TDAH. Quatre lettres pour désigner un trouble qui perturbe 5% des familles. Plusieurs questions agitent les esprits. Comment déterminer la limite entre turbulence et hyperactivité ? Quelle serait la responsabilité des parents dans cette pathologie ? D’autres traitements que les médicaments mériteraient-ils d’être explorés ? Enfin, comment se positionner face aux enseignants pour endiguer les situations d’échec ? Paroles d’experts.
Dans « Tout est là, juste là », Jeanne Siaud-Facchin, psychologue spécialiste de la surdouance, alerte sur les dérives actuelles. Elle incite à la prudence : le diagnostic s’inscrirait dans un phénomène de mode et correspondrait à l’élargissement des symptômes inscrits dans le DSM 5 (1). En même temps, le TDAH serait aussi sous-diagnostiqué. On l’attribuerait trop souvent, de façon injuste, à une éducation laxiste ou à une mauvaise volonté de l’enfant. En France en 2014, sur les 5 % des enfants touchés, seulement 1/3 seraient correctement traités. Jeanne Siaud-Facchin préconise des exercices de pleine conscience pour s’entraîner à stabiliser l’attention.
Trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité : l’environnement familial en cause ?
Thierry Janssen (2) affirme que certaines causes sont liées à l’impact du stress maternel durant la grossesse, aux conditions de l’accouchement, au contexte familial et socio-économique, au temps passé à regarder la télévision ou à jouer à des jeux électroniques, aux programmes scolaires surchargés, aux impératifs de performance et aux rythmes de vie frénétiques. Selon lui, l’agitation des enfants reflèterait la fébrilité familiale. Ces propos rejoignent l’analyse de Bénédicte Fieller (psycho-sophrologue) dans son article consacré à la relaxation.
Edwige Antier considère que certains troubles du comportement ont pour origine un déficit d’attention des parents durant la petite enfance. Elle livre un conseil préventif : « les progrès que peut faire un être humain dans ses premières années sont si fascinants qu’en les accompagnant avec extase, passion et disponibilité, vous n’aurez absolument pas un enfant turbulent ou agressif. » (3)
En revanche, Francine Lussier (neuropsychologue québécoise) explique dans « 100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention » que l’hérédité est reconnue comme le facteur majeur. D’ailleurs, certains adultes découvrent l’existence du trouble chez eux alors qu’ils viennent consulter pour leur enfant. Celui-ci était présent depuis l’enfance mais masqué par d’autres pathologies associées. (voir encadré)
10 signes qui montrent que votre préado n’est pas hyperactif
Attention : seul un spécialiste (pédopsychiatre ou pédiatre) peut prononcer un diagnostic après de multiples examens cliniques.
Cette check-list synthétique est destinée à aider à distinguer turbulence et véritable TDAH. Il existe peu de probabilités pour que votre enfant de 10 ans souffre de TDAH si dans le mois qui précède :
1. Il s’est montré calme plus de 10 minutes lorsque vous vous êtes occupé de lui, à table par exemple
2. Il est parvenu à apprendre ses leçons sans souci particulier et sans que vous soyez derrière lui à chaque instant
3. Il vous a parlé de ses amis, a été invité par l’un d’entre eux
4. Il a réussi à lire tout seul plusieurs livres jusqu’au bout.
5. Il n’a pas eu de conflits spécifiques avec ses camarades
6. Il n’a pas oublié ou perdu d’affaires
7. Il n’a pas eu d’accident préoccupant (sérieuses blessures ou contusions)
8. L’enseignant(e) ne s’est pas plaint de son comportement, notamment du fait qu’il ne tient pas assis sur sa chaise, qu’il n’écoute pas les consignes, qu’il bavarde constamment
9. Son agitation ne s’est manifestée que dans un contexte (école, famille, activités extrascolaires)
10. Vous n’êtes pas en état de stress, de fatigue et de remise en cause en permanence
5 alternatives aux médicaments pour les enfants atteints de TDAH
La prescription de stimulants, souvent à base d’amphétamine connaît un certain essor. En effet, la pharmacothérapie s’avère souvent efficace pour atténuer, voire dissiper les symptômes. Seulement, elle engendre des effets secondaires comme l’altération de l’appétit et du sommeil. De plus, le manque de recul sur les effets à long terme pousse à s’interroger.
Si vous voulez éviter les traitements médicamenteux, certaines activités aident à mieux vivre avec les troubles et à identifier des stratégies compensatoires.
1. Formation des parents
Selon le Dr Nayebi, « sans une bonne connaissance de cette pathologie par les parents, les enfants n’auront aucune chance de sortir psychologiquement indemnes des échecs consécutifs de l’état hyperactif. » Les formations sont donc essentielles pour adapter le mode éducatif :
– Savoir comment œuvrer en collaboration avec les autres intervenants.
– Placer les limites de sa tolérance, de ses exigences à un autre niveau.
– Comprendre l’importance d’un environnement calme et ritualisé.
– Savoir réagir face aux attitudes impulsives.
Des réunions d’information sont régulièrement organisées par l’association HyperSupers
A lire pour démarrer : les règles de base pour vivre avec un enfant atteint de TDAH, de Martine Jouffroy Valton, psychothérapeute gestaltiste.
2. Thérapie systémique familiale
Les bénéfices sont nombreux, comme nous l’explique Isabelle Ranou dans « Petits et gros problèmes familiaux, la thérapie systémique familiale peut vous aider » : mettre les mots sur les besoins respectifs ; repérer d’éventuelles carences affectives ou de communication ; travailler sur la place prise par chacun des membres ; rétablir et maintenir la qualité de la relation ; atténuer le sentiment de culpabilité.
La thérapie systémique familiale peut être associée à une thérapie individuelle comportementale et cognitive.
3. Pratique sportive régulière
L’idéal consiste à préférer une activité solitaire comme la natation, l’équitation, le cyclisme, la course, la gymnastique ou un art martial. Ces activités comblent le besoin de se dépenser. Mais il est important de ne pas nourrir d’attente particulière sur les performances.
A lire : les conseils avisés du coach sportif Cédric Ponseel pour les enfants hyperactifs.
4. Rééducation psychomotrice
Des séances régulières permettent de canaliser les mouvements, prendre conscience de son corps et améliorer l’écriture. Un suivi complémentaire par un orthophoniste est susceptible de renforcer les aptitudes à l’apprentissage.
A lire : Un site pour dépister les troubles du langage chez l’enfant
5. Médiation par un animal (zoothérapie, en particulier hippothérapie)
S’occuper d’animaux, notamment de chevaux (lire : Equithérapie, les bienfaits du cheval) est reconnu comme une piste sérieuse à explorer par nos cousins québécois et belges (Travaux de Nathalie Gagnon de l’Université de Laval ou propositions de l’association belge Anthe-Anthesis ASBL par exemple). A condition de bien accompagner l’enfant dans sa relation avec l’animal (lire : Votre enfant réclame un animal : à savoir avant de céder).
Enseignants : comment se positionner face à un enfant atteint de TDAH ?
Les enfants avec TDAH rencontrent en classe une difficulté majeure : maintenir l’éveil lors d’une explication ou d’une activité. De surcroît, la confiance en sa capacité à reprendre le fil, une fois la concentration rétablie est essentielle. Les altérations de l’estime de soi représentent un facteur crucial du décrochage scolaire. Une attitude chaleureuse, encourageante et bienveillante des interlocuteurs de l’enfant aide à renarcissiser l’enfant, souvent grondé et critiqué. Il est donc impératif de sensibiliser les enseignants, de nouer une alliance avec eux et de s’assurer qu’ils disposent bien de la formation adéquate.
Quels symptômes caractérisent les troubles de l’attention chez l’adulte ?
L’ouvrage du Docteur Jean-Charles Nayebi recense les principales plaintes caractéristiques des adultes manifestant un TDAH :
• pertes, oublis récurrents d’objets, recherches constantes des affaires
• soucis quotidiens de concentration
• problèmes majeurs d’organisation
• changements fréquents de projets
• altercations familiales et professionnelles
• impression de sous performance
• instabilité de l’humeur
• initiation de multitudes de tâches avec difficulté à les mener à bienCertains sites proposent des outils utiles pour une première prise de conscience :
- Echelle d’évaluation de Utah, Copland et Brown
– Vidéo de la coach canadienne Linda Walker
Pour aller plus loin, une sélection d’ouvrages pratiques, très accessibles et pédagogiques :
- 100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention. Francine Lussier. Editions Tom Pousse. 14,50 € sur Amazon.fr
- L’hyperactivité infantile en 90 questions. Jean-Charles Nayebi. Editions. Editions Retz. 18,50 € sur Amazon.fr
- Tout est là, juste là. Méditation de pleine conscience pour les enfants et les ados. Livre + CD d’exercices. Jeanne Siaud-Facchin. Editions Odile Jacob. 25,90 € sur Amazon.fr
- Le cousin hyperactif. (Ouvrage illustré destiné aux 8-12 ans) Jean Gervais. Editions Boréal. 7,50 € sur Amazon.fr
Sources :
(1) Comparaison DSM IV et DSM 5
(2) Chronique du Dr Thierry Jansen dans Psychologie magazine de septembre 2014
(3) Forum avec des internautes du Monde, questions au Dr Edwige Antier
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