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Transidentité : témoignage de Félix, 14 ans et point de vue de Serge Hefez

Par Bénédicte Flye Sainte Marie - Mise à jour le

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Il y a quelques mois, Félix, qui s’appelait alors encore Félicia, a réussi à verbaliser ce qui le tenaillait depuis longtemps. Né fille, il a la certitude de ne pas avoir le corps qui coïncide avec le genre auquel il s’identifie, et a exigé qu’on le considère désormais comme un garçon. Une transition qui a été acceptée sans heurt au sein de sa famille comme dans son collège. Il se confie sur son cheminement d’adolescent transgenre.

Ado transgenre : « je ne parlais pas de ces choses-là avec mes parents »

« Avant même l’école primaire, je pense que j’avais déjà conscience de ne pas avoir le bon genre. C’est très ancien. Je n’avais pas beaucoup d’amies filles et je faisais beaucoup de rôles de garçons imaginaires. Les toilettes étaient mixtes, je me demandais pourquoi je n’avais pas le droit, moi aussi, d’utiliser les urinoirs. Mais je ne parlais pas de ces choses-là avec mes parents. Je n’en discutais avec personne, d’ailleurs. Mais ça n’allait pas… En CE2, après la mort de ma mère, j’ai eu une rébellion, je me suis coupé les cheveux, j’étais déjà un peu plus gêné qu’on m’appelle avec des pronoms féminins. Ça m’a fait progresser qu’on me désigne parfois au masculin. Lorsque c’était le cas, je réalisais que j’étais en phase avec ce que je voulais être. Quand on allait dans des magasins et que mon père m’emmenait dans des rayons pour fille, je ne supportais pas qu’il dise « cette demoiselle » quand il demandait des vêtements aux vendeurs, et surtout que ça vienne de lui. J’avais huit ou neuf ans, j’étais en colère mais je n’exprimais pas encore explicitement ce que je ressentais… J’ai gardé tout ça à l’intérieur de moi.

« J’ai fini par le dire à certains copains… Ils ne m’ont pas jugé »

Au début de l’année dernière, tout ça me mettait vraiment trop mal à l’aise, et j’ai fini par le dire à certains copains. L’apparence féminine ne me correspondait pas, le comportement non plus. Ils ne m’ont pas jugé. J’ai abordé le sujet de la transidentité avec ma prof principale, qui n’a d’abord pas compris car elle pensait que c’était une question d’orientation sexuelle. Je lui ai dit que transgenre, ce n’était pas ça, je n’ai pas poussé plus loin, elle non plus. La période de confinement a été bénéfique pour que ça devienne clair dans ma tête, c’est plus simple de réfléchir quand on est vraiment seul. Et j’ai pu regarder de nombreuses vidéos YouTube sur les personnes transgenres, cela m’a aidé à comprendre ce que c’était. Mon père, à qui j’ai progressivement annoncé ma transition, n’a eu aucune réaction négative, il m’a juste dit « d’accord ».

« J’ai de la chance d’avoir pu pouvoir dialoguer avec une équipe scolaire comme celle-là »

Il a appelé ma professeure pour évoquer ma situation. A partir de ce moment-là, tout a été plus facile. Il y a une réunion avec le personnel et les enseignants et dès la rentrée, en 3ème, il y a eu Félix et non plus Félicia sur mon carnet de correspondance et sur les listes. J’ai pu changer aussi ma carte d’identité.

J’ai de la chance d’avoir pu pouvoir dialoguer avec une équipe scolaire comme celle-là. Dans mon groupe d’amis, personne ne m’a posé de questions et j’ai l’impression d’être soutenu par tout le monde. A tel point que quand un ou une élève se trompe encore dans la façon de me genrer, la classe entière le reprend ! Je vois un psy, je pense que c’est utile d’échanger avec quelqu’un. Il m’écoute et me donne des contacts. Et nous allons nous rendre dans un groupe de parole avec mon père. Je n’ai pas encore encaissé de remarques caricaturales ou idiotes mais je m’y prépare. Je sais que ça risque de m’arriver »

Le point de vue de Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, spécialiste de la transidentité  

Comment abordez-vous dans vos consultations les enfants et adolescents qui revendiquent le fait d’être né avec un sexe biologique qui n’est pas le bon ?

Il s’agit d’accueillir les adolescents trans et nous les accueillons. De les entendre aussi, de les éclairer sur le parcours dans lequel ils se situent et de prendre le temps. C’est pour cela que l’on ne donne pas d’hormones à un adolescent de quatorze ans ou qu’on n’entreprend pas une chirurgie de réassignation sexuelle à quinze. Il faut qu’ils en perçoivent tous les aspects. Par ailleurs, au niveau médical, si cette demande intervient avant la puberté, on va temporiser en bloquant cette dernière et en la reportant deux ou trois ans ; ce qui n’est pas préjudiciable pour la santé. Si elle est déjà là, on va prescrire un traitement pour arrêter les éléments pubertaires visibles, telle qu’une voix qui mue. Ce qui est génital est repoussé à beaucoup plus loin. Dans l’approche que nous avons de cette question de la transidentité, il est important également de ne pas confondre l’identité sexuelle et l’orientation sexuelle : le genre et la sexualité ne sont pas toujours pas corrélés.

Comment accompagner le processus de transition sans l’influencer ?

Ce qui est essentiel, c’est l’acceptation de l’entourage social, scolaire et familial. Cela peut constituer un choc et je tire mon chapeau aux parents d’ados transgenres que je reçois dans mon cabinet car je trouve qu’ils font preuve des grandes capacités de compréhension. Genrer son fils au féminin ou sa fille au masculin alors qu’on a toujours fait le contraire demande une vraie souplesse mentale et un amour énorme. D’expérience, je constate que c’est plus facile quand une fille devient garçon que l’inverse car il existe dans une culture une misogynie fondamentale qui entretient l’idée qu’être une fille, c’est moins qu’être un garçon. Alors qu’un garçon qui veut être une fille déroge à cette virilité si valorisée…C’est pour cela que ces adolescents sont davantage susceptibles d’être des boucs-émissaires. Heureusement, les conceptions sont petit à petit en train d’évoluer.

Le livre de Serge Hefez « Transitions, réinventer le genre », est paru le 9 septembre 2020 aux éditions Calmann-Lévy (17,90 euros) – Commander sur la Fnac ou Amazon

 

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