Le syndrome dysexécutif touche un nombre non négligeable d’enfants. Et pourtant, ce problème de connexion neuronale entravant les acquisitions scolaires est encore trop rarement pris en charge correctement aujourd’hui. Explications.
Dans la famille des « dys », certaines difficultés d’apprentissage bénéficient aujourd’hui d’une mise en lumière très large, comme la dyslexie, la dyscalculie ou la dysorthographie, et ne sont plus des notions abstraites pour le grand public…. En revanche, nous sommes nombreux à ignorer purement et simplement l’existence des troubles dysexécutifs, également baptisés « syndrome dysexécutif ». « C’est un sujet un peu complexe. Les concernant, il y a une relative méconnaissance dans le monde médical et éducatif. Et ils ne sont pas forcément identifiés non plus dans les classifications internationales », reconnait Alain Moret, enseignant en philosophie à l’Institut national du professorat et de l’éducation (Inspé), formateur sur les troubles dys et auteur de plusieurs ouvrages sur cette thématique, dont Le syndrome dysexécutif : un syndrome mal connu. Un vrai paradoxe quand on sait à quel point leurs incidences peuvent être lourdes…
Syndrome dysexécutif : causes variées et conséquences multiples
Le syndrome dysexécutif pénalise en effet celles et ceux qui en sont affectés à de nombreux égards dans leur quotidien, particulièrement dans leur scolarité. Il résulte d’une disposition génétique, d’un traumatisme crânien, d’un AVC, d’une maladie ou tumeur cérébrale, ou bien d’une pathologie neurologique provoquant des lésions au niveau du cortex préfrontal ou des voies de communication qui se trouvent entre le lobe frontal et les autres parties du cerveau. Parce que ce sont des régions de l’organisme qui pilotent la « fabrication » et le contrôle du comportement des individus, cela altère leurs capacités d’organisation, par exemple la faculté à faire des choix et à anticiper.
Mais les facultés d’inhibition des personnes atteintes sont également minorées, avec notamment une tendance à l’impulsivité, une faible capacité à se filtrer, tant dans les mots que les gestes, et à gérer de manière efficace leurs émotions. Les personnes atteintes d’un trouble dysexécutif peinent à maintenir leur attention et à « digérer » plusieurs informations simultanément. Et elles font preuve de très peu de flexibilité mentale, cette aptitude qui fait qu’on réussit à s’ajuster aux imprévus, à corriger ses erreurs et à transiter d’une tâche à l’autre. Il est ainsi très difficile pour les dysexécutifs, même lorsqu’ils deviennent adultes, de changer de « plan », de trajectoire mentale quand par exemple la ligne de bus ou de métro qu’ils empruntent habituellement est coupée et qu’il faut qu’ils prévoient un trajet différent. « Le dysexécutif est perdu quand les situations qu’ils rencontrent ne font pas appel à des automatismes », précise Alain Moret.
Une longue errance avant d’aboutir au bon diagnostic
Si diverses soient-elle dans leur nature, les fonctions exécutives n’en sont donc pas moins essentielles et centrales. « Elles ont le rôle de chef d’orchestre sur le reste. Quand elles sont perturbées, elles impactent toutes les autres », résume notre expert, qui reconnait que « c’est un trouble très troublant », qui donne lieu à beaucoup de mauvaises interprétations. « Le corps enseignant et les parents ont tendance, à tort, à considérer ce syndrome dysexécutif comme un déficit intellectuel », note Alain Moret. On l’assimile parfois aussi de manière erronée à certaines formes d’autisme, ou à d’autres types de troubles du neurodéveloppement comme le TDAH*.
C’est en considérant l’étendue des symptômes que présente l’enfant que l’on parvient à faire le distinguo (le TDAH n’englobe par exemple que des manifestations liées à l’attention). Mais il est indispensable pour cela consulter un spécialiste. Et pas n’importe lequel, à savoir un neuropsychologue, « de préférence médecin » selon Alain Moret, ou un neuropédiatre formé à ce type de troubles.
Et il est nécessaire ensuite de mettre des mots sur les maux une fois le diagnostic posé. « Il faut clairement qu’il soit qualifié comme un handicap, ce qui permettra d’entrevoir des solutions de compensation et d’adaptation », insiste Alain Moret.
La mise en place d’une combinaison de stratégies
A partir de ce moment-là, il devient possible d’effectuer des demandes d’aides spécifiques. Souvent, le fait d’être épaulé par un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) s’avère très bénéfique pour permettre à l’écolier, collégien ou lycéen de révéler son potentiel cognitif, et le conduire vers plus d’autonomie. Séquencer les activités en classe se révèle également très judicieux, afin d’éviter qu’il soit noyé et perde pied.
Un traitement médicamenteux peut enfin être mis sur pied pour ce qui concerne les problèmes d’attention, du même type que ceux que l’on prescrit pour le TDAH. Chaque compétence améliorée aura un effet domino, et contribuera à ses progrès et à son épanouissement globaux. « Cela va avoir des effets positifs généraux par infiltration », conclut Alain Moret.
*trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) qui concerne 5,9 % des moins de 18 ans
A lire :
Le syndrome dysexécutif : un syndrome mal connu, d’Alain Moret, est paru le 16 janvier 2024 aux éditions Tom Pousse (13 euros) – Commander sur Amazon
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