Votre enfant a reçu son premier smartphone à Noël ? Il n’est pas le seul : pour 39 % des Français, ce petit bijou technologique est devenu un cadeau incontournable sous le sapin. Et l’âge moyen pour le recevoir est de 9 ans et 9 mois en moyenne en France*. Un peu tôt pour savoir se protéger de tous les risques qui vont avec ! Des experts nous donnent les bonnes règles pour sécuriser le smartphone de son enfant ou de son ado, à instaurer illico…
Désormais, 65% des jeunes de 11 à 14 ans ont leur propre smartphone, dont 81 % l’ont reçu entre 10 et 12 ans. D’ailleurs, l’âge auquel on reçoit son premier téléphone portable ne cesse de baisser : il est désormais passé, en moyenne, sous la barre des 10 ans* ! « A cet âge là, le smartphone, c’est comme un nouveau jouet, et c’est très difficile pour un enfant de réguler son temps de jeu ! Donc, il c’est vraiment important de poser dès le départ, non pas des limites horaires au temps d’écran, qui sont contre-productives, mais un cadre général d’utilisation », explique Axelle Desaint, directrice d’Internet Sans Crainte, un programme national de sensibilisation des jeunes au numérique, qui propose une centaine d’outils en ligne, et des articles conseils sur un site dédié.
Parents, enfants : améliorer ensemble notre utilisation du smartphone
Observatrice privilégiée du secteur, Axelle Desaint nous donne ses conseils pour établir ce cadre… et pour montrer l’exemple ! Car le smartphone a cette particularité de mettre tout le monde a égalité : face à ce joujou dévoreur de temps et pourvoyeur de fakes en tous genres, on est souvent aussi puérils que nos enfants, et tout aussi incapables qu’eux de s’auto-réguler ! Alors, en parler avec eux, c’est améliorer ensemble nos pratiques et ouvrir un dialogue essentiel. Car paradoxalement, on ne communique pas assez… autour de cet outil de communication !
C’est pourtant la plus sûre des préventions. « Il y a des outils technologiques pour sécuriser les appareils, mais la meilleure des sécurités, ça reste la discussion, l’échange, la communication avec ses enfants », souligne Benoit Grunemwald, expert en cybersécurité ESET France, qui nous apporte aussi son expertise. Bonne nouvelle : nos enfants sont plus sensibles qu’on le croit à notre avis : si 62 % des 13-17 ans s’informent d’abord via les réseaux sociaux, leur deuxième canal d’information… c’est nous (54 % citent les parents), avant même la télévision (52%). Et alors qu’ils ne sont que 42 % à faire confiance aux infos trouvées sur les réseaux sociaux, ils sont 93% à faire confiance à leurs parents, et 73 % à se tourner vers ces derniers pour valider une information* !
Alors, pour mieux répondre à leurs attentes et mieux les aider… suivez ces dix règles d’or :
1- Le contrôle parental, oui… mais pas en punition
Le saviez-vous ? L’outil de contrôle parental doit être installé par défaut sur tous les nouveaux appareils à partir de janvier 2023, selon une loi passée en septembre 2022. La France est d’ailleurs le premier pays à instaurer une telle obligation. Et pourtant… ça ne suffit pas : disposer d’un outil de contrôle sur l’appareil ne sert à rien si on ne sait pas le paramétrer et si on se méprend sur son utilité et sa fonction. « Il ne sert pas seulement à protéger des contenus malveillants, mais aussi à gérer le temps d’écran ou à autoriser l’accès seulement à certaines sites, certaines applis », précise Axelle Desaint.
Les différentes options permettent donc de définir des durées limites de connexion mais aussi d’interdire des accès à certains sites, à certaines catégories : par exemple, décider qu’aucune appli de type réseau social ne peut être installée, ou aucune fonctionnalité type chat…« Mais il ne faut pas le présenter comme un outil coercitif, une punition. Et à de rares exceptions près, ne pas l’utiliser comme tel, en brandissant la menace de resserrer les paramètres dès que l’enfant désobéit… Car dans ce cas, le smartphone deviendra l’objet de chantage affectif. Et l’enfant n’aura de cesse de désactiver ou de contourner le contrôle parental », recommande la spécialiste. Et ne doutez pas qu’il y parviendra : nos enfants sont beaucoup plus agiles que nous sur ces petits appareils, et bien conseillés par les copains à la récré !
2- Le paramétrage, c’est ensemble !
Au contraire, si vous installez et paramétrez le contrôle parental avec votre enfant, en lui expliquant bien qu’il ne s’agit pas de le brimer, mais de le protéger des dangers, des mauvaises rencontres, des contenus inappropriés, il sera beaucoup plus enclin à l’accepter. Présentez-le lui comme un accompagnement plus qu’un contrôle – d’ailleurs, « on n’aurait pas dû le baptiser ainsi », estime Axelle Desaint. De la même manière qu’on ne l’a pas laissé seul traverser la rue, quand il était petit, sans lui expliquer comment traverser au feu rouge, on ne va pas laisser son enfant se lancer sans protection dans cet océan dangereux qu’est Internet : c’est notre rôle de parent. « En présentant les choses de cette façon, votre enfant aura beaucoup moins envie de braver l’interdit », explique la directrice d’Internet sans Crainte. « Paramétrer ensemble a aussi l’avantage de montrer qu’on s’intéresse aux activités numériques de nos enfants, pas dans le jugement ou la critique mais dans un esprit de discussion », ajoute-t-elle. « Cela favorisera le fait qu’il se confie par la suite s’il rencontre un problème. »
3- On blinde sa ligne de défense avec des mots de passe sûrs
Cela peut paraître évident, et malgré tout beaucoup de parents ne savent pas recommander les bons mots de passe – ils ont déjà du mal avec les leurs ! Beaucoup pensent qu’il vaut mieux instaurer quelque chose de facile à retenir pour l’enfant, et mettre le même partout… alors que c’est tout le contraire de la bonne attitude à avoir pour que cette première ligne de défense soit absolument sûre.
La bonne solution si vous avez peur que votre enfant ne mémorise pas ses mots de passe : utiliser un gestionnaire de mots de passe en ligne, propose Benoît Grunemwald. Cet outil simple permet de créer et mémoriser un mot de passe différent et sûr pour chaque site ou appli, empêchant quiconque d’accéder aux données stockées. Apprenez aussi à votre enfant qu’il faut verrouiller son écran de façon systématique, pour que des personnes inconnues ne puissent pas accéder à leur appareil. Et enfin, oubliez ses mots de passe : l’intimité de votre enfant est importante et sa vie privée lui appartient. Garder l’accès au contrôle parental, surveiller sa sécurité, ça ne veut pas dire l’épier et lire tous les messages échangés avec les copains/copines !
4- On géolocalise l’appareil
« Lors du paramétrage, activez l’option de localisation : elle sera précieuse si votre enfant perd son smartphone ou se le fait voler » , conseille également le spécialiste en cybersécurité. Mais là encore, ne versez pas dans l’excès contraire en surveillant en permanence tous les mouvements de votre enfant : l’apprentissage de l’autonomie passe aussi par la confiance !
5- Non, on ne limite pas le temps d’écran
« On croit bien faire en instaurant des temps d’écran quotidien, du type « tu as droit à 2h par jour », mais c’est contre-productif », explique Axelle Desaint. « Dès lors que les enfants ont un crédit temps ils vont vouloir l’utiliser immédiatement et à la seconde près. Il vaut mieux qu’ils choisissent eux-mêmes, au cas par cas, leurs moments de connexion et de déconnexion. » Vous pouvez les y aider grâce aux outils proposés sur le téléphone : pas seulement le contrôle parental, mais les paramétrages qui permettent de désactiver toutes les notifications, de programmer des plages de sommeil ou de concentration pendant les temps où on ne veut pas être déranger… « Il faut les définir dans un esprit de dialogue, là encore, éduquer c’est maîtriser », conseille la spécialiste. « Demander, par exemple, à quel moment il vaut mieux selon lui qu’il ne soit pas dérangé, à quel moment il veut se garder du temps pour lire, faire d’autres activités ; mais aussi ce qu’il fera pendant son temps de connexion, est-ce qu’il a envie d’aller sur tel ou tel site, ce qu’il envisage de publier sur tel réseau social… »
Des réseaux comme TikTok, très utilisés par les jeunes, interdisent de toute façon l’accès avant 13 ans, et proposent ensuite un tableau de bord qui compile les données relatives à l’activité passée sur le site (temps passé, interactions…) : c’est une bonne aide pour apprendre à gérer son temps d’écran tout seul. « Maîtriser son utilisation des plateformes numériques n’est pas uniquement une question de temps d’écran.Il s’agit avant tout de permettre à chaque utilisateur d’être pleinement acteur de son expérience en ligne, c’est-à-dire de comprendre les raisons pour lesquelles il se connecte », souligne-t-on chez TikTok.
6- On définit des « zones hors connexion »
Plutôt que définir des limites horaires quotidiennes, mieux vaut s’accorder sur des lieux dans lesquels l’usage du smartphone sera prohibé : pas à table, pas pendant le film à la télé, pas dans la chambre à coucher, par exemple. C’est à vous de juger ce qui est le mieux approprié et ce qui permet de limiter les temps d’écran de façon raisonnée. De plus, « c’est bien plus facile de définir des règles d’usage, d’emblée, que d’interdire ensuite l’usage du smartphone quand on l’a laissé s’imposer partout », souligne Axelle Desaint, qui ajoute : « C’est bien aussi de montrer l’exemple… en appliquant ces règles à soi-même ! »
7- On se connecte en famille sur les réseaux sociaux
La plateforme préférée des enfants et ados, TikTok, a créé un mode « Connexion Famille » qui permet d’associer vos comptes : cela permet d’activer ensemble une série d’options de contrôle des contenus (notamment l’accès des parents à tous les commentaires). Mais sur tous les réseaux, vous pouvez également compter parmi les « amis » de vos enfants : c’est le moyen le plus simple et le plus évident de savoir ce qu’ils postent, d’accéder à leurs contenus en ligne et de voir les commentaires qui leur sont adressés !
Vous croyez que vos ados vont vous envoyer bouler ? Détrompez-vous, TikTok a mené une enquête avec l’association Internet Matters, auprès des adolescents en Europe, et il s’avère que ceux-ci souhaitent, majoritairement, que leurs parents leur donnent des limites d’utilisation des plateformes numériques ! Tik Tok a également créé un portail Parent, pour ceux qui souhaitent se familiariser avec l’appli et comprendre cet univers digital… un bon pas vers une communication familiale apaisée sur ce sujet !
8- On apprend à démasquer les inconnus
Montrez à vos enfants comment on peut masquer le contenu de son compte, sur les réseaux sociaux, et interdire l’accès aux personnes qui n’ont pas demandé et obtenu son autorisation pour le suivre : cela peut sembler le B.A BA, et pourtant une majorité de parents néglige ce préalable, constatent nos deux experts.
Expliquez aussi comment signaler tout contenu choquant : propos haineux, pornographie, cyberharcèlement, violence, etc. Vous ne savez pas vous-mêmes comment on s’y prend ? C’est assez simple, sur la plupart des réseaux sociaux, il faut aller dans le menu symbolisé par trois petits points ou une flèche en haut à droite de la publication, et cliquer sur « masquer la publication ». De même, en haut à droite du profil de l’utilisateur, on peut cliquer sur « Signaler/Reporter le contenu » ou « Signaler un utilisateur ».
Certains réseaux sociaux ont également développé des fonctionnalités permettant de masquer des termes ou des expressions, notamment certaines insultes ou commentaires dégradants, pour se préserver du cyberharcèlement. Instagram et TikTok, notamment, donnent la possibilité de filtrer certains mots.
Sachez aussi qu’il existe des formulaires de signalement sur Instagram, Snapchat (attention, questions en anglais), Facebook, YouTube et TikTok : montrez-les à vos enfants, et dites-leur que vous les aiderez à les remplir s’ils se trouvent un jour confrontés à un contenu choquant.
Vous pouvez aussi leur suggérer d’aller visiter certains sites qui les aideront à connaître les bons usages et bons réflexes : e-Junior pour les enfants de 7-13 ans, qui les éduque à travers des activités ludiques et interactives (BD, vidéo, quiz, etc) ; également la plate-forme Monpremiertelephone conçue par Internet Sans Crainte avec Samsung (mais applicable à tout téléphone) ; ainsi bien sûr qu’ Internetsanscrainte
9- On crée sa charte familiale des écrans
Une bonne idée : concevoir une charte personnalisée et familiale du bon usage des écrans, chez vous, valable pour tous – enfants et parents ! Pour cela, utilisez l’outil proposé par le site FamiNum.com : on commence par définir en ligne les pratiques numériques de la famille, puis la plateforme suggère des bonnes pratiques d’utilisation, personnalisables. On coche ce qu’on souhaite instaurer, et on obtient une jolie charte familiale des écrans, à imprimer et afficher à la maison. Non seulement c’est ludique, mais suggérer de se soumettre tous aux mêmes règles, c’est la meilleure façon de les faire respecter !
10- On se lance un défi hebdomadaire
Voici une autre façon de réguler, par le biais du jeu, l’usage des smartphones, dans un esprit de compétition familiale constructif. « La plupart des appareils proposent désormais de vous envoyer un rapport hebdomadaire du temps que vous avez passé dessus. On peut en faire un sujet d’amusement en comparant, tour à tour, en famille, le temps de chacun », propose Axelle Desaint. « Décidez d’un jour hebdomadaire pour cette mini compétition, idéalement pendant le week-end… et mettez-vous au défi. On est parfois surpris de sa propre consommation, d’ailleurs ! » A la clé, proposez une petite récompense chaque semaine au vainqueur, celui qui aura le mieux limité son temps d’écran… de quoi se motiver !
Et cela permet encore une fois d’ouvrir un temps de dialogue utile sur les écrans, chacun pouvant échanger à cette occasion ses mauvaises expériences liées au phishing, virus, cyberattaques, mauvaises rencontres ou commentaires désobligeants sur les réseaux. De quoi libérer la parole des plus jeunes, mis en confiance.
N’oubliez pas : le smartphone, c’est d’abord un outil de communication. Faites en sorte qu’il le reste… entre vous aussi !
En cas d’urgence…
Le 3018 est un numéro vert destiné à la protection des mineurs sur Internet et l’accompagnement des victimes de violences numériques (propos haineux, cyberharcèlement, revenge porn, etc.). Ce service est anonyme et confidentiel, disponible tous les jours de 9h à 20h.
Le saviez-vous ?
YouTube arrive en 4e position comme source d’information utilisée par les 13-17 ans (31%), loin devant les sites d’information (21%) et les médias traditionnels. C’est le média considéré comme le plus fiable par les jeunes, comparé aux réseaux sociaux (46% contre 24% pour TikTok, 28% pour Twitter et 33% pour Instagram).
*Sources chiffres : enquête d’opinion menée par OpinionWay et sondage Médiamétrie (2019). Enquête sur les ados et l’information réalisée en ligne par Milan Presse avec YouTube et l’institut CSA du 3 au 7 octobre 2022 auprès de 1003 adolescents âgés de 13 à 17 ans.
Étude Born Social 2022, Agence Heaven, 2022.
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