Quand la douleur tente de soulager l’esprit… Les souffrances invisibles se concrétisent inconsciemment pour appeler à l’aide et trouver le chemin vers la guérison. Les parents mettent parfois longtemps à se rendre compte que leur enfant se scarifie ou se mutile suite à des évènements ou des situations qu’il n’arrive pas à gérer, et qui le plongent dans un profond mal-être. Pourquoi un adolescent se scarifie-t-il ? Quels sont les signes qui doivent alerter les parents ? Comment aider son enfant ? On vous explique tout sur la scarification ado.
Automutilation, scarification, blessure auto-infligée… c’est quoi ?
La scarification de la peau, ces blessures que l’ado s’inflige parfois, sont des gestes d’automutilation, effectués avec des objets tranchants (un couteau, des ciseaux, une lame de rasoir, un bout de verre…) qui laissent des incisions cutanées plus ou moins profondes sur différentes parties du corps. Il existe deux formes de scarifications, typiques et atypiques.
Les scarifications typiques
Les scarifications typiques surviennent le plus souvent pendant l’adolescence (12-18 ans) et concernent majoritairement les filles. Ce sont principalement des scarifications de l’avant-bras de la main opposée à celle couramment utilisée, et du poignet. Plus rarement sur d’autres parties du corps et sur les jambes. Les ados font ces incisions dans un fort moment de tension ou sous une forme de rituel souvent quand ils se retrouvent seuls. Les coupures restent plutôt fines et s’estompent relativement rapidement.
Les scarifications atypiques
Les scarifications atypiques sont plus alarmantes. Elles concernent les enfants avant l’adolescence et les adultes de plus de 18 ans. Les incisions de la peau sont plus profondes et d’autres parties du corps sont visées – le visage, le cou, le thorax, la poitrine, les cuisses ou les organes génitaux. Egalement, ces automutilations touchent plus souvent les garçons. Ces coupures sont répétées souvent, représentent parfois des symboles ou des motifs, et peuvent être effectuées suite à des hallucinations.
Pourquoi se scarifier la peau ?
La scarification est l’expression d’un mal-être intérieur qui ne permet pas à l’adolescent de digérer une situation ou un évènement. La peau est une sorte de barrière entre soi et le monde extérieur. C’est une enveloppe qui nous protège, mais aussi l’écran de nos émotions. La peau est un messager – tatouages, piercing, bodypainting… On imprime dessus l’invisible – des pensées, des envies et des douleurs destinées à être vues par les autres ou juste par soi-même.
Qu’est-ce qui pousse mon ado à s’infliger ces blessures ?
Durant l’adolescence, la quête d’identité, l’acceptation de ses changements physiques et de soi, ne sont pas toujours très bien vécus par les ados. En outre, des évènements comme la frustration, l’échec, la séparation ou le divorce des parents, l’abus sexuel, le harcèlement, les violences physiques ou psychiques infligées par un tiers, peuvent provoquer un débordement émotionnel ingérable chez l’adolescent. Ce trop-plein d’émotions peut aussi être déclenché par la non-acceptation de son orientation sexuelle, par exemple.
En se scarifiant la peau, l’ado s’approprie son corps et prend le contrôle, d’une certaine manière, sur sa souffrance. Le gain d’autonomie et la prise de conscience d’être une personne « quasi adulte », provoquent chez l’adolescent l’envie d’être « libre » et de faire ce qu’il souhaite avec « sa vie » et « son corps ». L’objectif des blessures qu’il s’inflige est de faire sortir de lui une souffrance ingérable, et qu’elle soit bien visible, ce qui est le cas avec le sang et les cicatrices que laisse l’objet tranchant avec lequel il se sera tailladé la peau. L’apaisement de la douleur psychique n’est alors que provisoire, ce qui incite l’adolescent à répéter l’acte qui peut devenir addictif. Se scarifier le bras, le poignet ou autres, est un moyen d’atténuer la douleur psychique, mais aussi un moyen d’exister, de ressentir quelque chose de physique.
Quels sont les signes qui doivent alerter les parents ?
L’automutilation est souvent pratiquée par les adolescents « en cachette ». Bien que le sens de cet acte soit la recherche inconsciente d’aide, l’adolescent ne souhaite pas que son parent le découvre. Voici quelques signes qui doivent vous alerter :
- Votre ado commence à porter des gants et des vêtements amples, qui couvrent bien le corps même pendant les saisons chaudes
- Vous trouvez des objets tranchants avec ou sans traces de sang dans sa chambre
- L’apparition de traces de sang sur ses draps ou ses vêtements
- Le fait qu’il reste trop longtemps dans la salle de bains
- Votre ado présente souvent des blessures qu’il explique par des accidents fréquents
- Changement d’humeur, irritabilité, signes d’enfermement et envie de s’isoler sont également des signes de mal-être qui doivent alerter les parents.
Quand faut-il s’inquiéter ?
Se scarifier ou se blesser intentionnellement n’est pas un acte anodin. Cette manière d’exprimer sa souffrance est choisie le plus souvent quand d’autres voies de gestion du problème n’ont pas apporté de soulagement à l’adolescent.
Chercher à « se soigner » en se faisant mal n’est pas un chemin logique et adéquat pour guérir. Il existe des scarifications uniques, dont la seule motivation est d’appartenir à un groupe ou prouver une amitié qui relève d’un acte cérémonial, comme ça peut être le cas avec les tatouages. Dans ce cas, les parents doivent s’assurer que la scarification ne se reproduise pas. Et même si n’approuvent pas ce « rituel », elle reste la plupart du temps sans gravité.
A partir du moment où la scarification devient un acte répété, les parents doivent réagir sans attendre. Les blessures auto-infligées peuvent être les suites d’un évènement négatif ou douloureux vécu et non « digéré » par votre adolescent. mais elles peuvent aussi révéler d’une pathologique et être le signe d’une maladie psychique, ce qui est le cas fréquent avec les scarifications atypiques.
Que votre ado se scarifie ne signifie pas systématiquement qu’il souhaite mettre fin à ses jours. Mais dans de nombreux cas où les scarifications sont répétées, elles se transforment en addiction. Et les blessures profondes peuvent être le signe d’une envie de se suicider.
Comment aider son enfant à sortir de la spirale de l’automutilation ?
Quand ils découvrent que leur enfant se scarifie, très souvent, les parents tombent des nues et paniques, surpris par cette volonté de leur ado de « s’autodétruire » et de porter atteinte à son intégralité physique.
Soyez à l’écoute de son mal-être
Malgré la situation, très difficile à vivre pour les parents parce que souvent incompréhensible, parler avec son enfant est primordial. Et même si votre ado n’accepte pas facilement de se confier à vous et à expliquer les raisons qui le poussent à se scarifier, vous devez faire preuve de patience (encore une fois) pour pourvoir l’aider à aller mieux. Essayez de comprendre la raison du mal-être profond que votre enfant ressent. Soyez préparés à entendre des confidences qui pourraient vous surprendre davantage – une agression sexuelle, viol, harcèlement… Une fois l’évènement déclencheur révélé, il est important de savoir depuis combien de temps votre ado cherche à « se soigner » en s’infligeant ces blessures. Les cicatrices laissées par la scarification de la peau peuvent être récentes ou bien anciennes.
Evitez de le juger
Il sera très important pour votre enfant que vous traversiez la période de la guérison ensemble, ces marques étant un appel à l’aide inconscient vers vous. Si la confiance entre vous a été à un moment rompue, ce sera peut-être l’occasion de renouer les liens. Votre adolescent a besoin d’être entendu, de laisser parler ses émotions, de se sentir soutenu. Toute accusation, rappel de manque de responsabilité, crise d’énervement à son encontre, ne feraient qu’aggraver les sentiments de culpabilité qu’il ressent déjà et qu’il cherche justement à évacuer en se scarifiant. Evitez de le juger, il risquerait alors de se sentir incompris et de se dévaloriser encore davantage.
Trouvez-lui des activités pour l’aider extérioriser sa souffrance
Si la douleur psychique de votre enfant s’exprime à travers son corps, trouver un autre moyen positif d’expression serait très bénéfique – danse, théâtre, art plastique, écriture, etc. Dans un premier temps, représenter ses souffrances avec des dessins sur son corps, peut parfois aider à renoncer à l’envie de se faire des incisions. Favorisez l’expression de ses émotions – permettez lui de crier, pleurer, de taper dans un coussin, de déchirer un journal, etc. Des exercices de respiration et relaxation sont aussi préconisés.
Faites-le suivre par un professionnel de santé
Dans tous les cas, consulter son médecin traitant, un psychologue ou psychiatre, s’impose. N’étant pas professionnels, les parents peuvent difficilement évaluer la gravité de l’état de leur ado. Les traitements possibles dans les cas de l’automutilation sont pharmacologiques et psychothérapeutiques, et votre médecin est le professionnel le plus apte à aider votre enfant.
Etre parent est un rôle qui dure tout une vie. Nos enfants, peu importe leur âge, seront toujours nos enfants, et il est avant tout de notre devoir moral de leur apporter notre soutien à chaque fois qu’ils ne vont pas bien. La présence et l’aide des parents est essentielle, devant celle d’autres proches ou d’amis. Il est important d’accompagner nos enfants dans les moments les meilleurs comme les plus difficiles.
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