S’attaquant à un sujet particulièrement sensible et ancré dans l’époque, « Pas de vagues », le deuxième long-métrage de Teddy Lussi-Modeste, qui sort le 27 mars, avait tout pour plaire sur le papier. Il rate toutefois sa cible, à défaut d’avoir suffisamment cherché à sortir des clichés.
Pas de vagues : l’histoire
Enseignant de français en région parisienne, Julien s’épanouit dans son métier. Mais un jour, tout déraille : alors qu’il commente avec sa classe Mignonne, allons voir si la rose, un poème de Ronsard, l’exemple qu’il utilise pour expliquer une figure de style, à savoir un compliment qu’il adresse à Leslie, l’une de ses élèves, est mal interprété par l’adolescente. Considérant qu’il lui a fait des avances et qu’il la « regarde en touchant sa ceinture » pendant les cours, elle relate l’incident, sous l’impulsion d’Océane et Sihem, deux copines au tempérament perturbateur, dans une lettre qu’elle remet à la CPE, et le raconte à sa famille.
A partir de ce moment-là, le trentenaire va se retrouver pris dans une sorte d’engrenage infernal. Son autorité va être chahutée et fragilisée, le grand-frère de Leslie va venir régulièrement le menacer physiquement à la fin de ses journées de travail, et une plainte va même être déposée contre lui par la jeune fille. Puis une vidéo ayant trait à sa vie personnelle va être diffusée dans l’établissement.
Plus le temps passera, plus Julien se retrouvera isolé. S’ils le soutenaient de manière unanime au départ, ses collègues se désolidariseront peu à peu de ce qu’il lui arrive, et le laisseront à sa détresse et à ses angoisses. Il ne restera bientôt à ses côtés que son compagnon, Walid, pour ne pas perdre pied dans la tourmente…
A partir de quel âge ?
On n’ira pas voir « Pas de vagues » à moins de 11 ans, car le thème évoqué n’est pas anodin.
L’avis de MAFAMILLEZEN
« Pas de vagues » est inspiré de l’histoire personnelle de Teddy Lussi-Modeste, son réalisateur, qui a vécu une expérience similaire à l’époque où il était en poste dans un collège d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Le film a été visiblement pensé et construit avec plusieurs intentions louables. Il est d’abord appréciable qu’un long-métrage s’attache à montrer que le climat et les conditions dans lesquels s’exerce aujourd’hui le métier de prof est plus angoissant et précaire psychologiquement que jamais, comme l’ont mis en évidence les nombreuses affaires qui ont émaillé l’actualité ces dernières années.
On apprécie aussi qu’il veuille illustrer le pouvoir dévastateur de la rumeur et les réactions en chaine qu’elle est susceptible de provoquer, jusqu’à détruire la carrière et la vie privée d’une homme ou d’une femme. On aurait donc aimé l’aimer…
Hélas, si les idées qui le sous-tendaient étaient bonnes, on ne peut pas dire que le résultat soit séduisant. La faute à un scénario trop manichéen, où le personnage incarné par François Civil parait être non seulement le seul à être intelligent, subtil et censé, le seul aussi qui sache avoir du recul sur lui-même… Les confrères et consœurs de Julien, y compris ceux qui prennent son parti ou restent neutres, sont bien trop stéréotypés. Le chef d’établissement semble être une sorte de chiffe molle uniquement préoccupé par ses points et son avancement professionnel (d’ où le titre du film « Pas de vagues »). On a l’impression que pour défendre son personnage, le réalisateur déshabille Pierre pour habiller Paul, comme dit l’expression. Il décrédibilise l’institution, à savoir l’Education Nationale et ceux qui l’incarnent, pour crédibiliser son héros. Sans nier les problèmes de discipline qui existent aujourd’hui en milieu scolaire, les adolescents qu’il dépeint sont également assez caricaturaux.
Bref, il y a dans ce Pas de vagues un manque de nuances qui empêche qu’on y adhère. Dommage pour le talentueux François Civil, qui prenait des risques en s’aventurant dans un registre différent de celui qui lui est habituel…
Pas de vagues
Réalisé par : Teddy Lussi-Modeste
Avec : François Civil, Shaïn Boumedine, Toscane Duquesne
Genre : Drame
Durée : 1h31
Sortie au cinéma : le 27 mars 2024
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