Depuis un an et demi, les mouvements de libération de la parole féminine se succèdent les uns aux autres. #MeeToo ou #BalanceTonPorc ont-ils eu un impact sur le comportement des ados entre eux ? On se pose la question.
#MeToo, initié par l’actrice Alyssa Milano qui rendait publics les agissements dont elle avait été victime de la part du producteur Harvey Weinstein, a permis de rompre l’omerta. A partir de cet épisode précurseur, les initiatives pour dénoncer les faits de harcèlement ou de violence sexuelle se sont multipliés. Du très récent scandale de la ligue du LOL, mettant en cause les dérives de journalistes parisiens à #BalanceTonPorc, version française du #MeToo et #NousToutes, qui a donné lieu à de vastes rassemblements dans tout l’Hexagone durant l’été 2018. Mais ont-ils changé pour autant le comportement entre ados filles et garçons ?
Où en sont nos ados concernant le harcèlement et les comportements sexistes ?
Mais si la vague de fond parait bien installée, elle ne semble malheureusement pas avoir essaimé partout. La génération Z ne s’est ainsi pas ou peu appropriée ce type de combat, très présent sur Twitter, mais quasiment absent sur leurs réseaux sociaux de prédilection, à savoir Instagram et Snapchat. La plupart ignore donc tout de ces mobilisations… Au final, le fonctionnement relationnel entre ados reste encore très marqué, en 2019, par la culture du porno, dont le propre (ou le sale) est d’être marqué par la domination machiste et l’infériorisation, quand ce n’est l’humiliation, des filles.
Soixante-quinze ans après l’octroi du droit de vote aux femmes, il est incroyable de constater qu’il est toujours difficile pour une collégienne ou une lycéenne de venir en robe, en jupe ou en tee-shirt un peu décolleté dans son établissement scolaire, sous peine de se voir affublée de qualificatifs peu flatteurs, voire carrément infamants. Et dans la tête de beaucoup de garçons, demeure l’idée que celle qui a été victime de propos salaces ou de gestes déplacés l’a un peu « cherché ». Alors que les mêmes seront prompts à se battre ou à s’indigner contre d’autres types de discrimination, notamment contre les comportements racistes…
Semer les ferments d’un nouvel ordre amoureux
C’est donc aux adultes, notamment aux parents, aux professionnels de santé, de l’éducation, de l’enseignement ou des médias, qu’incombe le rôle d’en débattre avec eux. Définir les notions de respect et de consentement est ainsi crucial : ce n’est pas parce que certaines de leurs connaissances sont habillées hot ou parlent librement de sexe qu’il faut en déduire que tous les feux sont aux verts avec elles ou que l’on peut se permettre les concernant une déferlante d’allusions en dessous de la ceinture. Ce n’est pas non plus parce que Jade ou Lola se laisse embrasser dans une soirée qu’elle est forcément prête à aller plus loin.
Si le principe n’est pas de briser toute spontanéité dans leurs élans, surtout à l’âge des premières fois et des découvertes qui est le leur, il est nécessaire que leur partenaire exprime clairement un oui, avant d’aller de la drague au flirt et du flirt à la relation sexuelle, sans penser que cela va soi. Qu’une fille peut avoir envie une fois et pas la ou les suivantes… Il est nécessaire également de désacraliser la prouesse sexuelle, telles celles qu’on voit dans les films X, d’expliquer que ce n’est pas telle ou telle position ou performance qui fait la « réussite » de l’acte sexuel.
L’art de mettre des limites
Auprès des filles, il faut communiquer sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de coucher pour avoir l’étiquette « cool », ni de se mettre la tête à l’envers et d’affoler son taux d’alcoolémie dans les soirées afin de montrer qu’on est la reine de la fête, ce qui aboutit fréquemment au même résultat : se retrouver à passer la nuit avec quelqu’un qu’on ne désirait pas vraiment et le regretter ensuite.
Des jalons à poser sans verser évidemment dans l’excès, tel que celui qui a cours aux Etats-Unis où la séduction est devenue suspecte, même chez les plus jeunes. L’enjeu est au contraire d’instaurer un rapport d’égalité dans ce domaine-là aussi, comme l’explique le sociologue et philosophe Raphael Lioger dans son livre Descente au cœur du mâle, dans lequel il explique que les garçons doivent « grandir avec elles au lieu de chercher à se grandir à travers elles, en les rabaissant physiquement et symboliquement ».
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