A quarante-quatre ans, Mélissa Robert-Michon, la légende du lancer de disque français, médaillée d’argent à Rio, prépare ses septièmes Jeux Olympiques. Elle a été choisie pour être l’une des porte-drapeaux français à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris du 26 juillet prochain. Elle puise beaucoup de sa force et de sa motivation auprès de ses deux filles, Elyssa, treize ans et Enora, qui soufflera six bougies en juin prochain. Rencontre avec une championne qui prépare les prochains JO de Paris 2024 tout en assurant son rôle de maman.
Vous vous sentez-vous le physique et le mental d’aller décrocher aux Jeux Olympiques de Paris 2024 cette médaille d’or que vous convoitez ?
Mélissa Robert-Michon : Oui, ce qui m’intéresse, c’est de viser quelque chose que je n’ai jamais eu. Et là, je suis en phase avec tout ce qu’on avait prévu. Le timing est bon !
Comment ça se passe concrètement au niveau familial quand vous partez faire des compétitions et des stages au bout du monde ?
Ca ne simplifie pas l’histoire (rires). Avant, c’était mon mari qui gérait, mais comme il m’entraine aujourd’hui, ce n’est plus le cas. J’ai la chance d’avoir deux amies, ma maman et une tante qui m’aident beaucoup. J’ai toute confiance en elles. C’est plus facile pendant l’été quand ce sont les vacances, car le temps passe plus vite pour nos filles… En pleine année, comme en ce moment, c’est plus compliqué. Alors, quand on peut, on les embarque avec nous.
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Mélissa Robert-Michon, vous expliquez que la maternité a agi comme un changement de logiciel interne. Qu’est-ce que ça fait évoluer chez vous ?
Beaucoup de choses ! La grossesse m’a d’abord permis de prendre du recul par rapport à mon sport, de réaliser pourquoi je le pratiquais et pourquoi ça me plaisait. Ce qui est drôle, c’est qu’au moment de ma première fille, j’avais trente ans et que j’étais persuadée que je ne continuerais le disque que pendant deux ou trois ans maximum…
Pourquoi la naissance de votre deuxième enfant a-t-elle également décuplé l’envie que vous aviez de continuer à pratiquer le lancer de disque au plus haut niveau ?
Après les JO de Rio, j’étais épuisée, rincée, et je m’étais dit que si je ne tombais pas enceinte tout de suite, j’arrêtais tout. Ça m’a permis en fait de me régénérer et de faire le point. Et puis ca décentre les priorités et montre que le principal ne se trouve pas dans le sport.
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Portez-vous la voix et la cause des mères athlètes auprès des instances nationales ? Est-ce qu’il a des choses à changer dans ce domaine selon vous ?
Oui, il y en a toujours et on peut faire beaucoup mieux ! Mais je dois reconnaitre que j’ai vu les mentalités évoluer entre mes deux grossesses, notamment en ce qui concerne le regard des partenaires et de la fédération. Chez les entraineurs, par contre, il reste beaucoup de réticences. C’est pour ça que j’en parle beaucoup parce que je pense que c’est un moyen que l’on progresse sur ces questions. Devenir mère ne signifie pas fin de carrière sportive ! En revanche, la maternité est un choix personnel, l’athlétisme un sport individuel, et je ne me sens pas d’imposer la présence de mes enfants quand ce n’est pas prévu. C’est pour ça que je m’appuie sur des partenaires privés. Je vois ça comme un investissement. Ca me donne la liberté d’être avec elles quand je le peux. J’ai besoin de les voir, ça fait partie de mon équilibre et ça m’aide à être performante.
Mélissa Robert-Michon, sentez-vous chez vos filles l’envie de marcher, d’une manière ou d’une autre, dans vos traces ?
Je ne sais pas et je n’ai pas envie de me poser la question. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont beaucoup soutenue, mais je veux leur laisser le choix. Mon aînée a demandé à faire de l’athlétisme. Elle en fait aujourd’hui, mais on lui a bien expliqué qu’elle n’était absolument pas obligée de suivre la même voie que ses parents.
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La faculté que vous avez depuis vingt-cinq, bientôt vingt-six ans de rebondir, de vous réinventer, de trouver toujours l’esprit de continuer et de combattre peut-elle servir de modèle aux plus jeunes ?
J’ai un partenariat avec le département de l’Isère et j’interviens beaucoup dans les collèges. Ce que je veux faire comprendre, c’est que c’est salutaire de faire du sport, quel qu’il soit et quel soit le niveau, parce que c’est bon pour la santé. Ça crée aussi de la mixité sociale, ça permet de faire des rencontres, ca structure et ça apprend les règles de la vie en communauté. L’athlétisme est en plus un sport très inclusif. Quel soit son âge, son physique, si vous mettez un gamin dans un stade, il trouvera forcément quelque chose à faire…
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