A l’âge où vous adoriez dorloter votre Barbie ou votre Tinnie ou passiez des heures à faire des courses de voitures télécommandées, vos juniors n’ont d’yeux que pour les jeux de société qui parlent de caca, de pets et de WC… C’est grave, docteur ? Analyse d’un phénomène qui fait se pincer le nez à certains !
Des jeux de société pipi-caca-boudin
Amis parents (naïfs), vous rêvez pour vos enfants d’un monde où tout ne serait que joliesse et poésie ? Prenez garde alors à de ne pas vous aventurer dans un magasin de jouets. Au détour d’un rayon, vous risquez sinon de vous infliger un vilain choc (septique). Depuis quelques mois, les fournisseurs des grandes enseignes du jouet rivalisent d’imagination pour proposer à nos chérubins des jeux de société plus pipi-caca-boudin les uns que les autres.
De l’inénarrable Médor Pète-Fort, durant lequel il s’agit d’introduire un étron de plastique dans la bouche du canidé, d’actionner sa laisse jusqu’à notre gentil toutou qui la restitue par l’autre extrémité, tout en lâchant au passage quelques sympathiques vents. A Delir’O Toilettes, où nos juniors doivent tourner un mini-rouleau de papier hygiénique et tirer la chasse d’eau tout en évitant de se faire asperger par le jet. En passant par Tête de Crotte, qui implique de se défausser le plus rapidement de ses cartes sous peine de se retrouver le crâne couronné de plusieurs faux « bronzes » plus vrais que natures. Et le vétéran du genre, Prout’cochons, dans lequel le défi est de chasser les rats qui ont envahi la ferme grâce à la puissance des flatulences porcines.
Des plateaux aux réseaux
Et cette passion pour ce qui restait jusqu’ici entre les quatre murs de nos sanitaires contamine aussi les Facebook, Twitter et autres WhatsApp puisque la pile of poo, aussi baptisée poop, petit tas d’excréments stylisé, est un des émojis les plus populaires du moment. On le retrouve même sur des coussins, des peluches, des boucles d’oreilles et autres bijoux.
Ces créations ludiques qui capitalisent sur nos mécanismes corporels et sur les libertés qu’ils prennent parfois avec la bienséance peuvent paraître libératrices aux yeux de certains, dans le droit fil de la démarche menée par Giula Anders. Cette auteure a connu un succès mondial avec son Le charme discret de l’intestin : Tout sur un organe mal aimé, un livre qui expliquait avec simplicité et humour ce qui se passe au cœur de notre appareil digestif.
Des jeux à utiliser avec modération
Ce n’est toutefois pas le point de vue de la psychologue Bernadette Lemoine, qui vient de sortir aux éditions Albin Michel Petites Phrases à leur dire pour les aider à grandir. Elle déplore en effet que ces divertissements « cracras » ne tirent pas les enfants vers le haut. « Ils ne développent pas l’intériorité et le respect des mots chez les enfants. Or, ce sont deux choses qui ont une influence consciente et inconsciente sur leur construction personnelle. Par ailleurs, cette tendance m’attriste car elle ne les incite pas à aimer ce qui est beau. Selon moi, il y des façons de décompresser qui sont nettement plus intelligentes ». Mais elle reconnait néanmoins que la phase scato est un passage quasi-obligé chez les tout-petits, au moment de l’entrée en maternelle, et qu’elle « nous fait rire intérieurement ». Mais qu’il convient de ne pas trop les encourager à l’entretenir et à la prolonger, par exemple avec ces fameux jeux de société qui n’apportent absolument rien en termes éducatifs.
A utiliser donc avec modération, selon notre spécialiste, qui juge qu’on s’en « amusera une fois mais pas deux » avant de les oublier au fond d’une caisse ou d’un placard !
Petites phrases pour les aider à grandir, de Bernadette Lemoine et Diane de Bodman, Albin Michel, 12,50 euros. Commander
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