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Les cœurs écorchés de Premières solitudes

Par Bénédicte Flye Sainte Marie - Mise à jour le

Film Premires Solitudes

Après Le concours l’an dernier, Claire Simon poursuit sa radioscopie de la jeunesse d’aujourd’hui à travers Premières solitudes, où des adolescents échangent sur leurs souffrances, leurs manques et leurs espoirs. En salles le 14 novembre.

Premières solitude : l’histoire

Tourné par Claire Simon auprès de dix garçons et filles de la section cinéma du lycée Romain Rolland d’Ivry-sur-Seine, avec lesquels elle devait à la base fabriquer un court-métrage de fiction, son film s’est finalement transformé en documentaire en format long. Premières solitudes les a mis à contribution derrière l’objectif, en les sollicitant pour la prise de son ou la mise au point. Mais la réalisatrice les a aussi et surtout fait passer devant la caméra afin d’évoquer ces circonstances de la vie où les ados se sentent incompris ou livrés à eux-mêmes.

Afin d’obtenir les témoignages les plus sincères et les plus bruts possibles, la réalisatrice leur a demandé de s’interviewer les uns les autres par groupe de deux ou trois, formés par affinités.

Hugo se livre sur ses blessures sentimentales et plus douloureusement encore sur le manque de proximité qu’il entretient avec son père. Lisa évoque sa situation familiale incroyablement complexe avec une maman en hôpital psychiatrique, un papa qui se débat pour gérer le quotidien et des grands-parents au parcours tragique. Judith, adoptée petite au Nigéria où elle était orpheline, explique qu’elle retournera forcément là où se trouvent ses racines, même si le garçon qui l’aime et qu’elle aime habite en France. Quant à Clément, le grand roux costaud qui a le chic pour faire parler les filles, s’il n’est pas très assidu ni très intégré en classe, c’est peut-être parce qu’il cherche un référent masculin. Elevé par une mère-courage, cela fait près d’une décennie qu’il n’a pas vu son père, après l’avoir seulement côtoyé en pointillé quand il était petit.

A partir de quel âge ?

14- 15 ans, parce que le propos de Premières solitudes est assez âpre.

L’avis de MAFAMILLEZEN

Premières solitudes sonne juste. Parce qu’elles ont été voulues et accouchées par les adolescents eux-mêmes, ces confessions sont incontestablement émouvantes, pour ne pas dire bouleversantes.

Surgissent de ces entretiens des séquences rares, dont le père est incontestablement le principal fil rouge : les pères de Clément et Judith sont des fantômes, chacun à leur façon, celui de Lisa est écrasé par ses responsabilités alors que celui de Hugo est absent tout en étant présent, puisque cet employé qui travaille sur les chantiers mange seul devant son bureau quand il est à la maison, et ne cherche pas à savoir comment vont ses enfants. « Mais je ne lui en veux pas au final, je sais très bien qu’il nous aime », dit Hugo, après avoir quand même essuyé quelques larmes. Le constat ne laisse pas les hommes indemnes, mais reflète probablement une certaine vérité sociétale.

Loin de se cantonner à cette simple thématique, le film tourne autour d’un tourment inhérent à cet âge de la vie, à savoir le rapport que l’on tisse avec son propre corps et le regard peu indulgent que l’on pose sur celui-ci. Hugo mentionne ainsi que le sien « le dégoûte », malgré les affirmations de Judith qui dit trouver du charme à ses menues rondeurs. Elle dit, de son côté, subir les scarifications que son frère a faites sur son visage quand elle était bébé.

Sans jamais que ce soit très clairement affirmé, Première solitudes esquisse enfin le portrait d’un monde qui flirte avec la précarité : ainsi Lisa, à qui sa mère donne un tout petit pécule chaque semaine, doit se débrouiller pour faire elle-même ses courses au supermarché sans jamais dépasser son budget très limité. La maman de Clément n’a pas pris, faute d’argent, des vacances depuis des années. Alors que Manon, qui donne tout l’air au départ de la pimbêche de service, a été obligée, après la rupture entre ses parents, de déménager du très cossu quartier du Marais, où son père était avocat, jusqu’à Ivry, ville beaucoup plus populaire du Val-de-Marne.

Premières solitudes a donc de la sincérité et de la force. On regrette simplement le choix de la réalisatrice de focaliser son récit sur les parcours les plus fracassés de ses « acteurs du réel », ce qui donne parfois l’impression de too-much…

Premières solitudes
Réalisé par : Claire Simon
Avec : Anaïs, Catia, Clément, Elia, Lisa, Hugo, Judith, Manon, Mélodie, Tessa
Genre : Documentaire
Durée : 1h40
Sortie au cinéma : le 14 novembre 2018
A partir de 14 ans

 

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