Un chien, un chat ou un cheval pour aller mieux ? Oui, mais pas n’importe comment : la zoothérapie ne s’improvise pas. Audrey Desrosiers et Mélissa Snauwaert, qui ont contribué à la diffuser en Europe et viennent de co-signer le livre « Zoothérapie » chez Guy Trédaniel, nous expliquent les clés de cette discipline à part.
Zoothérapie et médiation animale, quelle différence ?
Bien utilisée, la zoothérapie peut faire progresser de façon spectaculaire des enfants porteurs de troubles de l’apprentissage, de l’attention ou de l’attachement, voire de handicaps, de troubles autistiques, de traumatismes physiques ou psychologiques… Mais on commence tout juste à reconnaître cette discipline en France, où on a tendance à la confondre avec la « médiation animale » – terme beaucoup plus utilisé en Europe. Or, ce sont deux méthodes différentes.
La médiation animale se pratique souvent en groupe, avec pour objectif de briser l’isolement de personnes âgées, par exemple, ou de développer les bons comportements des enfants envers les animaux ; il s’agit surtout de passer un bon moment, mais cela n’implique pas la présence de professionnels.
Au contraire, la zoothérapie se pratique généralement en individuel, avec des objectifs de soins précis, sur le long terme, ce qui implique une régularité et une collaboration avec d’autres professionnels (psys, ergothérapeuthes, ortophonistes… selon les cas.) Ses domaines d’action sont très larges et elle s’adresse à tous, enfants, adultes, seniors…
Interview croisée de deux zoothérapeutes, Audrey Desrosiers et Mélissa Snauwaert
Où en est, selon vous, la zoothérapie en Europe et en France ?
Mélissa Snauwaert : En Belgique et en France, nous sommes en retard ! Au Québec, la zoothérapie a fait ses preuves, c’est un incontournable dans tous les secteurs de soin, de l’éducation et de l’aide aux personnes. Chez nous, elle commence tout doucement à se développer. Certains praticiens qui font de la médiation animale la pratiquent déjà intuitivement… sans le savoir ! La meilleure façon de la développer, c’est de l’intégrer au coeur de notre pratique, dans notre milieu de travail : certaines maisons de repos ou écoles, des foyers avec des enfants placés par le juge, des hôpitaux, engagent des kinés, psys, orthophonistes… et ils peuvent pratiquer leur travail avec l’animal.
Audrey Desrosiers : Le bien-être animal me paraît être l’aspect du métier le plus en « retard » en France, comparativement à ce qui se fait ailleurs. On veille à le développer au travers de nos formations. Les gens sont ouverts et la pratique du métier reste la même, partout : le pluridisciplinaire est essentiel, la connaissance des animaux avec lesquels on collabore, aussi.
Mais justement, cette pratique ne peut-elle entraîner des risques pour l’animal, voire pour le patient ?
Audrey Desrosiers : Nous avons une éthique de travail hyper exigeante, et notamment au niveau du bien-être animal. On apprend dans nos formations à mettre tout en place pour s’en assurer, on a un code du bien-être animal, et bien sûr, on veille aussi à l’absence de tout danger pour le patient ! La présence d’assurances professionnelles est par ailleurs un indispensable, pour tout zoothérapeute.
Mélissa Snauwaert : Comme le disait Audrey, en France et en Europe il y a encore beaucoup trop « la culture de la punition coercitive » et d’une éducation maltraitante envers les animaux. Notre rôle, à travers nos formations, est aussi d’essayer de sensibiliser l’humain à respecter les besoins de l’animal. Nous mettons un point d’honneur à présenter les animaux comme partenaires d’intervention, et non comme outils de travail ! C’est la clé pour continuer de développer ce magnifique métier de zoothérapeute au travers de toute l’Europe.
Vous travaillez beaucoup avec les enfants, sont-ils les sujets idéaux pour la zoothérapie, peut-être plus en empathie avec les animaux ?
Audrey Desrosiers : Il n’y a pas de candidats idéaux, il suffit d’aimer les animaux et ne pas avoir d’allergies. Encore que nous travaillons avec des chiens « hyppoallergènes » qui peuvent faire disparaître aussi cet obstacle !
Mélissa Snauwaert : On dit toujours que « tout se travaille en zoothérapie ». Toutes les patientèles, tous les âges, tous les troubles ! L’essentiel, notamment autour des enfants, c’est le travail pluridisciplinaire : ainsi, par exemple, une zoothérapeute avec une formation de psychologue peut venir travailler les troubles du langage auprès d’un enfant… mais elle ne remplacera pas l’orthophoniste dont l’enfant a besoin. La collaboration entre praticiens reste essentielle !
Vous utilisez beaucoup d’animaux, des lapins aux perroquets en passant par les chevaux ou les poules… mais lesquels sont les meilleurs « zoothérapeutes », selon vous ?
Audrey et Mélissa : Attention, ce n’est pas l’animal qui est zoothérapeute, mais l’humain… c’est hyper important de faire la distinction ! Ils sont nos collaborateurs, des partenaires sélectionnés pour leurs aptitudes, caractères et leur long suivi en renforcement positif, en fonction de l’objectif choisi, en fonction du profil des enfants ou des adultes que nous suivons.
En savoir plus avec le livre d’Audrey et Mélissa, « Zoothérapie »
Mélissa Snauwaert a découvert la zoothérapie au Québec, où cette jeune belge diplômée en psychologie était partie en 2014 pour devenir… guide de chiens de traîneaux ! C’est ainsi qu’elle a découvert à quel point le contact de ces derniers peut aider à aller mieux… et qu’elle a rencontré Audrey Desrosiers, pionnière de la zoothérapie au Québec. Elle y exerce depuis plus de quinze ans, et a créé des formations et des programmes thérapeutiques.
Toutes deux ont contribué à faire entrer la discipline en Europe, créant récemment un certificat diplômant en Belgique – où Mélissa l’enseigne désormais – afin d’officialiser et de protéger le titre. Bientôt un prochain certificat en France ? « Lorsque ce sera fait, le métier pourra s’uniformiser », explique Audrey, qui juge que c’est « vraiment dans l’air du temps », et que la zoothérapie n’en est qu’à ses débuts !
Leur livre commun lève toutes les interrogations sur la discipline, son histoire, ses effets, ses objectifs, ses champs d’application, ses futures progressions… mais fait aussi part de témoignages et relate des cas émouvants et spectaculaires. Comme celui de la petite Magnolia, adoptée à deux ans, qui a pu rattraper tous ses retards de développement et faire totalement disparaître ses troubles anxieux grâce à la relation nouée peu à peu avec Hermine, la jolie petite chienne cookapoo d’Audrey !
« Zoothérapie. L’animal, une révolution dans le domaine du soin. » Guy Trédaniel, septembre 2024, 19,90 € – Commander sur Amazon
Le site d’Audrey : www.auboutdumuseau.com
Le site de Mélissa : www.animoizoothérapie.com
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