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InterClass’, l’émission radio des collégiens et lycéens des quartiers

Par Ingrid Pohu - Mise à jour le

InterClass' émission radi d'Emmanuelle Daviet sur France Inter

journaliste et médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet a créé InterClass’ après les attentats de janvier 2015.  Couronné du 1er Prix Education aux médias lors des assises du journalisme en 2016, ce programme est diffusé cet été chaque dimanche à 15 heures sur France Inter.

Son principe ? Des ados encadrés par leurs professeurs se frottent au métier de journaliste radio en réalisant des reportages avec la complicité de reporters et de producteurs de la station publique. Une véritable immersion qui permet de lutter contre la désinformation, à l’heure où le modèle d’apprentissage du savoir est atomisé par la vitesse du numérique, le manque de contrôle et de tri des informations qui circulent sur Internet.

InterClass’ c’est aussi un moyen de développer le goût des jeunes pour l’actualité. Rencontre avec Emmanuelle Daviet.

 « Un point de vue, cela ne se forge pas à la vitesse d’un tweet ou d’un post. »

Pourquoi y avait-il une véritable urgence à créer un programme d’éducation aux médias et à la citoyenneté comme InterClass’ ?

Emmanuelle Daviet : Après les attentats de janvier 2015, de nombreux enseignants se sont tournés vers la rédaction de France Inter parce qu’ils se sentaient très démunis pour expliquer à leurs élèves en classe en quoi consistait l’art de la caricature, la liberté d’expression, la laïcité même parfois. Et ils souhaitaient que leurs propos soient adossés à une vision aussi journalistique.

Et vous avez donc répondu à cet appel…

Emmanuelle Daviet : Oui et la demande a été forte. Et parallèlement, Laurence Bloch, la directrice de France Inter souhaitait que sa chaîne s’engage dans une action citoyenne et elle se demandait quelle forme cela pouvait prendre. Elle m’a donné carte blanche et InterClass’ a été lancé à la rentrée 2015.

« La pédagogie, c’est l’art de la répétition. »

Chaque année, la semaine de la presse et des médias à l’école se déroule pendant cinq jours. Avec InterCLass’, vous misez sur le créneau du temps long. Pourquoi précisément ?

Emmanuelle Daviet : C’est vraiment la spécificité de ce programme. Il est ancré sur une année scolaire. Et pour moi, ça change absolument tout. Ce temps-là permet d’abord de comprendre les élèves qui sont souvent en situation de grande fragilité économique et sociale. Le temps long leur permet à eux aussi de nous comprendre, d’acquérir nos pratiques professionnelles, de découvrir nos méthodes de travail. Développer son esprit critique, ça ne se décrète pas, c’est une pratique au long cours. Un point de vue, cela ne se forge pas à la vitesse d’un tweet ou d’un post, mais dans le temps de la réflexion, de l’apprentissage. Et la pédagogie c’est l’art de la répétition.

Pour ces élèves, la confiance en soi s’acquiert aussi avec du temps…

Emmanuelle Daviet : C’est juste. Et c’est d’autant plus important qu’on a choisi d’aller au contact d’élèves qui grandissent dans des zones d’éducation prioritaire. Et c’est vrai qu’ils sont quand même très en défiance par rapport à l’univers des médias.

Comment se déroule la première rencontre entre les élèves et l’équipe d’InterClass’ ?

Emmanuelle Daviet : Elle a lieu à Radio France (Paris 16è). Les élèves visitent les studios, les régies et ils constatent qu’on les prend au sérieux. On leur met dans les mains des outils de professionnels et donc ils ont le sentiment d’être considérés. La deuxième séance se passe dans leur établissement, dans leur univers.

Vous insistez sur le fait qu’ils ne vous épargnent pas en matière de réflexions ?

Emmanuelle Daviet : Moi je leur dis toujours qu’ils peuvent penser ce qu’ils veulent le plus important c’est l’argumentation. Cette première séance, elle secoue parfois parce qu’on entend des vérités, des ressentis. A nous ensuite de les accepter et de comprendre pourquoi ils ont tel ou tel avis. C’est important de changer son logiciel quand on arrive face aux élèves, et de ne pas arriver avec ses idées reçues, ses clichés.

« Nous sommes tous apprenants, et nous apprenons tous les uns des autres. »

D’ailleurs dans InterClass’, il y a un mot très important : le compagnonnage.

Emmanuelle Daviet : Effectivement, car en tant que professionnels de la radio, nous ne sommes pas les sachants qui arrivent en classe en délivrant un savoir. Nous sommes tous apprenants, et nous apprenons tous les uns des autres. Certes, il y a une expertise journalistique mais elle n’est là que pour valoriser le travail que ces élèves vont fournir en réalisant un reportage.

Evoquons les sujets traités : l’égalité des chances, l’école en prison, le cyber harcèlement en milieu scolaire. Il y a des sujets plus « légers » : l’essor de l’image dans la cuisine, La place des femmes dans le BTP, la psychologie des ados… Comment ces thématiques sont-elles choisies ?

Emmanuelle Daviet : La première année, chaque classe avait carte blanche et sélectionnait un thème. Par exemple à Saint-Denis (93), les élèves avaient choisi celui de l’amour. Et donc ils ont traité : l’amour en prison ; l’amour sur les réseaux sociaux ; l’amour n’a pas d’âge. La deuxième année, le thème a été « liberté, égalité, fraternité ». Et ils s’en sont emparés avec beaucoup de pertinence. Ces apprentis-journalistes découvrent la joie de contacter des interlocuteurs, de construire une interview, d’aller la faire puis de réaliser le montage radio du sujet.

« L’éducation aux médias et à l’information permet à des élèves d’aller au-delà des univers qu’ils connaissent à travers le reportage. »

Racontez-nous un souvenir fort…

Emmanuelle Daviet : Une fois à l’antenne, Mohamed qui était un jeune élève de 4ème à Grigny (91) m’a dit pendant l’émission : « Moi j’ai compris en faisant InterClass’ que j’appartenais à la société française, et avant je ne l’avais jamais compris. » Ce témoignage est magnifique et terrible à la fois. Je me souviens aussi d’une élève qui m’a écrit dans un carnet : « En faisant InterClass’ j’ai enfin compris pourquoi c’était important de travailler à l’école. » Au-delà d’InterClass’, je pense vraiment que l’éducation aux médias et à l’information permet à des élèves d’aller au-delà des univers qu’ils connaissent à travers le reportage, ça leur permet de découvrir d’autres territoires, d’autres façons de penser, d’autres adultes. Et cette interaction-là est très constructive et très enrichissante pour eux.

Interclass’, saison 5

Malgré la période de confinement, les apprentis reporters du lycée René Auffray de Clichy-la-Garenne ou encore ceux du lycée Voillaume d’Aulnay-sous-Bois n’ont pas décroché. Ils ont mené à bien ce programme produit cette année par Eric Valmir et réalisé par Lilian Alleaume. Omar Ouahmane et Emmanuel Leclère font partie des Grands Reporters qui ont appris et transmis leur savoir-faire aux élèves pour cette édition 2020.

www.franceinter.fr

 

InterClass’, c’est aussi un livre

« Restaurer la confiance dans les médias est aujourd’hui une nécessité démocratique », écrit en préface du livre Laurence Bloch, la directrice de France Inter. Dans cet ouvrage nourris de nombreux témoignages de professionnels de l’éducation, des médias et d’élèves, Emmanuelle Daviet explique le dispositif et la méthodologie mis en place pour réaliser ce programme. Objectif affiché : « Offrir aux enseignants, aux éducateurs, aux parents ainsi qu’aux hommes et femmes de médias de belles occasions de réflexion et l’inspiration pour concevoir des projets similaires et faire des collégiens et lycéens des citoyens éclairés. »

InterClass’, éducation aux médias et à la citoyenneté (éditions France Inter / ESF sciences humaines) 12,90 €. Commander

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