Ils forment une famille mais ne partagent pas le même logement. Perçu comme marginal, immature voire dangereux pour l’équilibre des enfants, ce mode de vie hors des sentiers battus attire souvent les soupçons. Mais qui sont ces parents « living apart together », littéralement « vivant séparément ensemble », qui intriguent tant ?
Le difficile puzzle des familles recomposées
Les couples, même mariés, qui décident de vivre séparément, ne sont pas aussi rares qu’on pourrait l’imaginer. D’après l’Institut national d’études démographiques, ils seraient 1,2 million de Français à se dire en couple, sans vivre avec leur compagne ou compagnon. Parmi eux, beaucoup de jeunes vingtenaires, qui préfèrent tester la viabilité de leur couple avant d’envisager la cohabitation. Mais aussi une bonne poignée de quinquagénaires refroidis par une vie commune passée ou tout simplement réfractaires à l’idée de bouleverser leurs habitudes.
Quand Marie-Hélène a rencontré Jacques en 2016, elle vivait seule avec ses enfants de 8 et 13 ans, depuis plus de cinq ans. Jacques de son côté, cohabitait avec son fils un week-end sur deux depuis son divorce. D’un commun accord, les deux amoureux ont décidé de ne rien changer à leur mode de vie : « imaginer vivre tous ensemble, c’était comme essayer d’assembler des pièces de puzzle qui ne concordaient pas bien. On ne voyait pas l’intérêt d’imposer cela à nos enfants », explique Jacques, convaincu qu’il s’agissait du meilleur choix. Dans leur entourage d’ailleurs, ce dernier a été accueilli avec beaucoup de compréhension. Mais c’est rarement le cas lorsqu’il s’agit d’un couple non-cohabitant ayant un enfant en commun…
Des parents sous deux toits différents ? « Notre enfant le vit très bien »
Depuis quatre ans, Marina vit séparée de son compagnon, qui a pris un logement « à une dizaine de kilomètres de chez elle ». La raison ? Une vie commune qui n’a pas fonctionné à cause de désaccords au sujet du quotidien. « Ayant déjà deux enfants d’une précédente union, il était difficile pour tout le monde de trouver un nouvel équilibre. Il y avait beaucoup de tensions… Nous avons donc décidé de faire logements séparés » , explique la jeune femme. Et lorsque cette dernière est tombée enceinte, l’idée de continuer sur cette voie leur a semblé une évidence : « nous n’avons pas souhaité modifier notre façon de fonctionner. C’est moi qui garde l’enfant les trois quarts du temps. Mon compagnon vient à la maison deux ou trois jours par semaine, et garde le petit chez lui une nuit par semaine ». Si elle reconnaît que cette configuration a suscité « beaucoup d’interrogations dans la famille », Marina constate simplement que « tout se passe mieux » ainsi. « Notre enfant, qui n’a connu que cette situation, le vit très bien et les grands frères n’ont jamais vraiment posé de questions, ils s’y sont habitués ».
Habiter chacun chez soi : on ne passe que de bons moments ensemble
Malgré une organisation parfois chaotique, ces familles pas comme les autres semblent souvent vivre en harmonie. À ce sujet, une internaute baptisée Pikifolle partageait en 2013 sa petite victoire sur le forum de Doctissimo : en couple depuis 10 ans, elle avait décidé avec son compagnon de faire logements séparés au bout de 6 ans, malgré la naissance de deux enfants. Pour « faciliter les choses » avec ces derniers, leurs appartements n’étaient situés « qu’ à 300 mètres l’un de l’autre ». Pour la jeune femme, le quotidien ne semblait finalement pas bien différent d’avant: « mon mari dort souvent chez moi et de temps en temps nous allons dormir chez lui avec les enfants, on fait presque tout ensemble », expliquait-elle alors. Mais un « détail » venait tout changer à ses yeux : « quand on sent des tensions venir, on a la possibilité de se retrouver chacun chez soi et de ne pas se mettre de pression, réfléchir tranquillement et reparler plus tard ». « La plupart du temps on ne passe que de bons moments ensemble… », concluait-elle, visiblement ravie. A tel point que malgré une nouvelle grossesse, le couple souhaitait poursuivre sur cette lancée…
Vivre séparément, une solution pour les personnalités indépendantes
Si la non-cohabitation s’impose souvent suite à l’échec d’une vie commune, et trop d’incompatibilités de caractères, certaines personnes très indépendantes la voient d’emblée comme la seule option acceptable. Monica Bellucci et Vincent Cassel, deux comédiens aux caractères libres et indomptables, sont ainsi parvenus à vivre un amour durant 17 ans grâce à la non-cohabitation: mariés quatre ans après leur rencontre sur un tournage en 1995, les deux comédiens ont eu deux petites filles, sans pour autant partager le quotidien. En 2012 dans Elle, Monica déclarait : « Nous ne vivons pas en couple. C’est une vie désorganisée. […] Vincent et moi, nous sommes dans deux mondes différents et souvent, nous ne partageons rien. Nous ne sommes pas ensemble tout le temps, ses amis sont les siens, les miens sont différents ». Peu de temps après pourtant, ils décidèrent contre toute attente de s’installer en famille au Brésil. Mais, preuve qu’ils n’étaient certainement pas faits pour partager un toit, cette cohabitation marqua la fin de leur belle histoire d’amour. Ironie du sort, le film dans lequel ils jouaient lorsqu’ils se sont rencontrés était intitulé… L’Appartement.
Un éloignement parfois difficile à vivre
Mais s’il peut être très difficile de cohabiter, la vie des couples « living apart together » n’est pas toujours rose non plus. Sur son blog theworkingmum, Jo racontait il y a quelques années comment elle gérait l’éloignement de son homme, en formation longue à Cherbourg : « la distance peut faire du bien », admettait d’un côté la jeune maman, qui expliquait relire « les SMS et email d’amour plusieurs fois […] comme si [elle] revivait son premier amour ». Mais elle lui était aussi douloureuse, tant il lui était difficile de ne voir « personne franchir la porte même tard le soir, pour secourir une fatigue passagère ou juste réconforter maman dans son rôle et utilité ».
Enceinte et vivant à 300 mètres de son compagnon avec leurs deux enfants, Pikifolle avouait, elle, en 2013 devenir « de plus en plus jalouse ». Et ce, malgré le fait que son compagnon, « très présent et affectueux », accoure dès qu’elle en ressentait le besoin. « Il me manque et quand je le sais tout seul chez lui je m’imagine des trucs. J’ai jamais été comme ça avant, mais là j’ai envie de regarder son portable, d’aller le voir à l’improviste… », expliquait celle qui ne comprenait pas cette soudaine forme de suspicion. Loin de remettre en cause leur mode de vie, la mère de famille avait alors préféré mettre cela sur le compte des « hormones de la grossesse »…
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