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Adieu Birkenau : l’histoire de Ginette Kolinka, passeuse de mémoire auprès des jeunes générations

Par Nathalie Brunissen - Mise à jour le

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Le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, a été instituée Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité. Ginette Kolinka, qui fêtera ses 99 ans le 4 février 2024, est l’une des dernières rescapées encore vivantes du camp de Birkenau, où elle fut déportée à 19 ans, en avril 1944. Afin de garder vivante la mémoire des horreurs commises par les Nazis et de l’extermination des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, elle témoigne quotidiennement de sa déportation auprès des jeunes générations, dans les classes des collèges et des lycées partout en France. Animée par la volonté de s’adresser au plus grand nombre, elle raconte son histoire dans l’album Adieu Birnenau, paru chez Albin Michel. Entretien entre Victor Matet et Ginette Kolinka sur son rôle de passeur de mémoire.

Adieu Birkenau, Ginette Kolinka, survivante d’Auschwitz, raconte

Réalisé en lien avec le Mémomorial de la Shoah, imaginé par le journaliste Victor Matet, scénarisé par JDMorvan, fasciné par les questions touchant à la guerre, et illustré par Efa, l’album graphique Adieu Birkenau raconte l’histoire de Ginette Kolinka, jeune juive déportée avec une partie de sa famille en 1944.

A 19 ans, Ginette Kolinka est déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau. Son père et son petit frère sont gazés immédiatement, mais elle est sélectionnée pour le travail, et survit. En octobre 2020, Ginette a 95 ans. Profitant d’une accalmie de l’épidémie de Covid-19, elle accompagne une dernière fois un groupe de collégiens à Birkenau. Pour ses adieux, elle emmène dans ses bagages un journaliste de France Info, Victor Matet et un scénariste de bande dessinée, JD Morvan.

De ce voyage est née un album graphique, Adieu Birkenau, où Ginette raconte comment elle vivait avant la guerre, comment elle a découvert qu’elle était juive, comment sa famille a fui Paris avant qu’elle et son père ne soient dénoncés. Ginette Kolinka raconte aussi le camp, sans pathos, sans rien cacher non plus et le temps présent, celui du témoignage.

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Le témoignage vivant d’une survivante des camps

« Notre idée a tout de suite été de lier Ginette à son histoire : montrer la personnalité de Ginette, en plus de ce qu’elle avait vécu. Nous avons donc décidé très rapidement de lier le présent au passé », explique JDMorvan, scénariste de l’album Adieu Birkenau. « Quand nous avons appris que Ginette allait se rendre de nouveau à Birkenau, nous avons décidé de l’accompagner, car nous sentions que c’était une chance exceptionnelle de ne pas faire que l’écouter, mais de vivre son histoire ».

JDMorvan et Victor Matet participent ainsi à un voyage organisé au camp de Birkenau en octobre 2020, en compagnie d’un groupe de collégiens et leurs professeurs. « Nous avons pris la décision de ne pas film dans le camp, mais enregistrer, au dictaphone, les paroles de Ginette », relate le scénariste. « Tout notre récit est issu de ses paroles », tient-il à préciser. Jusqu’au titre de l’album, inspiré par une réflexion de Ginette Kolinka devant les ruines de la chambre à gaz : « Ce sera mon dernier voyage à Birkenau« .

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Les auteurs de Adieu Birkenau ont réussi à faire de cet album un témoignage poignant et sans filtres. Ginette Kolinka témoigne de la réalité de la vie dans un camp de concentration, de manière crue, rétablissant parfois certaines vérités, édulcorées ou transformées au fil du temps.

Adieu Birkenau est un véritable outil pédagogique, qui permet aux lecteurs, quel que soit leur âge, de devenir à leur tour des « passeurs de mémoire ». Il constitue un témoignage saisissant, depuis l’insouciance de la jeunesse à l’horreur absolue, dans lequel Ginette Kolinka parvient à faire passer un message empreint d’espoir et d’humanisme, contre la haine, le rejet et l’effacement. Sans se départir d’un humour parfois désopilant, qui lui permet de mettre à distance une réalité marquée à jamais dans sa chair et dans son esprit.

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Adieu Birkenau : une survivante d’Auschwitz raconte, septembre 2023, chez Albin Michel, 21,90 € – Commander

Rencontre avec Ginette Kolinka, passeuse de mémoire

Alors que les attentats d’octobre 2023 en Israël et la guerre qui s’en suit contre le Hamas a entraîné une recrudescence des actes antisémites en France et partout dans le monde, le témoignage de Ginette Kolinka est précieux, elle qui est l’une des dernières déportée du camp d’Auschwitz-Birkenau encore vivante.

Très sollicitée par les établissements scolaires pour témoigner de son histoire auprès des collégiens et des lycées, Ginette Kolinka, 99 ans bientôt, prend à cœur son rôle de « passeur de mémoire ». Elle témoigne aujourd’hui quotidiennement de sa déportation auprès des jeunes générations, partout en France. Parce que malheureusement, « plus jamais ça » n’est pas si évident aujourd’hui.

Echange entre Victor Matet, journaliste et co-auteur de la BD Adieu Birkenau, et Ginette Kolinka, autour de son rôle de passeuse de mémoire.

Victor Matet : Qu’est-ce que cela vous fait de vous voir en bande dessinée ?

Ginette Kolinka : Cela m’amuse. Même si au début je n’étais pas tellement d’accord parce que cela me rappelle ma jeunesse, quand je lisais Mickey, les Pieds nickelés ou d’autres trucs marrants. Alors que là c’est une histoire triste. Mais j’ai changé d’avis. Beaucoup d’enfants ou d’adultes n’aiment pas lire alors que la BD cela leur plaît. Cela permet de faire mieux connaître toute cette histoire.

L’album Adieu Birkenau raconte la dernière fois où vous vous êtes rendue à Auschwitz-Birkenau. Est-ce que vous vous souvenez de la première fois où vous y êtes retournée ?

C’était au début des années 2000 avec mon association, l’Union des déportés d’Auschwitz. J’avais remplacé au pied levé une rescapée qui ne pouvait pas y aller. Une fois sur place, rien n’était comme quand j’y ai été déportée. Le camp pour moi, c’est la saleté, les cris, les hurlements, les coups, ça grouille, tout le monde court, travaille. Là, il n’y avait plus tout cela. Ce qui fait que je n’ai rien ressenti. Depuis la déportation, plus rien ne m’émeut.

adieu birkenau témoignage d'une survivante d'Auschwitz

Que ressentez-vous à l’idée de ne plus y retourner ?

J’aimais bien y aller avec les élèves et les professeurs. Les souvenirs étaient tristes mais j’ai la chance d’avoir des souvenirs ; cela prouve que je suis vivante. C’est triste pour les miens qui sont restés là-bas mais je n’ai pas besoin d’y aller pour y penser. Par exemple, je pense sans cesse à mon petit frère : qu’est-ce qu’il serait devenu ? Qu’est-ce qu’il aurait fait comme métier ? Et cela me révolte encore plus. Contre les nazis. Mais attention pas contre les Allemands, je fais bien la différence.

J’ai la chance d’avoir des souvenirs ; cela prouve que je suis vivante.

 

Vous témoignez toujours les yeux fermés. Pour quelle raison ?

Quand je raconte, il y a tout un film qui se déroule. L’image du camp est dans ma tête et quand je parle, je le vois. Tout ce dont je parle, je le vois. Je vois mais je ne ressens pas. Ni les émotions, ni la faim, ni le chaud, ni le froid. Et puis, cela me permet de me concentrer. Comme cela, je ne suis pas distraite par ce que font ou disent les élèves.

Pourquoi est-ce que vous passez votre vie à témoigner ?

Déjà, parce que je ne sais pas dire non. On me demande et je dis oui à tout le monde. Ensuite, c’est quand même plus intéressant que de rester chez moi à regarder la télévision. Et puis, je crois que c’est important que les élèves puissent rencontrer un témoin direct de l’Histoire. Moi, si un Gaulois était venu me parler, j’aurais trouvé les cours plus intéressants (rires).

C’est important que les élèves puissent rencontrer un témoin direct de l’Histoire.

 

Que voulez-vous que l’on retienne de vos témoignages ?

C’est mon cheval de bataille : la tolérance ! Musulmans, catholiques, juifs, athées, on est tous pareils, avec un nez, une bouche, des oreilles. Ce serait formidable de s’en rendre compte. Pour que tout cela ne recommence pas.

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Beaucoup de jeunes s’intéressent à votre histoire et vous liez avec eux une relation très familière. Vous êtes une sorte de grand-mère pour eux ?

Dîtes au moins mère, cela fera plus jeune (rires). Ce sont des copains. Quand je suis avez eux, j’ai leur âge. Moi, je ne me sens pas vieille. Je sais que je le suis, j’ai 98 ans, mais cela me surprend toujours que l’on veuille me donner le bras ou m’aider à traverser la rue.

Vous consacrez tout votre temps à témoigner d’une période tragique, votre déportation, et en même temps, vous dégagez une incroyable joie de vivre.

C’est ma personnalité. Moi, j’aime bien blaguer, on ne m’empêchera pas de blaguer. La blague que je préfère, c’est celle de deux déportées qui sont au Paradis et qui rigolent d’une scène qu’elles ont vécu à Auschwitz. Dieu les réprimande : « Vous n’avez pas honte de rigoler de la déportation ? » « Qu’est-ce que tu en sais ? Tu n’étais pas là avec nous ».

A noter dans vos agendas :

A partir du 29 janvier 2024, une exposition de panneaux retraçant la vie de Ginette Kolinka, réalisée en partenariat avec le Mémorial de la Shoah, sera présentée en extérieur, sur les grilles de la Mairie de Paris Centre.

Adieu Birkenau : une survivante d’Auschwitz raconte, septembre 2023, chez Albin Michel, 21,90 € – Commander

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