Doublé par Bérénice Bejo et Louis Garrel, Funan, un film d’animation de Denis Do, nous plonge dans l’enfer de la dictature khmère qui a terrorisé toute la population cambodgienne de 1975 à 1979. Violent et déchirant, il n’est pas à pas à mettre devant tous les yeux mais a le mérite de réveiller les consciences sur cette période tragique. Au cinéma le 6 mars.
Funan : l’histoire
Funan, gratifié de nombreuses récompenses dont le Cristal du meilleur long-métrage au Festival du film d’animation d’Annecy, se déroule dans les années 70. Au moment où les khmers rouges prennent le pouvoir dans le pays par la force des armes et mettent en place leur loi arbitraire, faite de marches forcées, de tâches éreintantes effectuées contre des salaires de misère, de rackets et de brutalités, au nom du prétendu idéal d’Angkar. Une organisation d’inspiration communiste qui prône la rééducation des citadins, qui sont censés apprendre à se détacher de leur goût pour la propriété et à oublier la culture occidentale symbole d’ultra-matérialisme.
Immergée dans ce maelström, une famille soudée autour de Chou, une jeune maman, de Sovahn, son jeune fils, de Khuon, son mari et du frère de ce dernier, va progressivement se déliter à partir du moment où le garçonnet va être éloigné de ses parents. C’est le début d’une spirale dantesque où plus rien n’a de valeur, ni le travail, ni l’amour, ni le corps des femmes, ni la vie en elle-même, que l’on ôte d’un seul coup de machette ou de fusil. Ou que l’on quitte volontairement, par rébellion face à cette existence trop odieuse.
A partir de quel âge ?
Pour les parents. Et les ados avertis, car la tonalité générale de Funan est extrêmement sombre, mais de préférence en compagnie d’adultes, pour décrypter et expliquer.
L’avis de MAFAMILLEZEN
Rarement un film d’animation semble avoir dépeint un tel paroxysme de sauvagerie. Même Parvana, en 2018, qui nous décrivait l’Afghanistan sous l’ère des talibans, n’était pas aussi asphyxiant car le récit, très âpre, comportait quand même quelques petits moments d’humour, quelques lumières de vraie humanité. Funan sonne quant à lui comme un engrenage où chaque jour est pire que le précédent, où chaque séquence surpasse en dureté celle à laquelle elle a succédé.
Alors certes, les froids assassinats des agents khmers sont simplement évoqués. Ils ne sont pas directement montrés à l’écran, pas plus que les viols suicides et autre décès qui ponctuent le scénario. Et oui, le graphisme, notamment celui des décors, est sublime. N’empêche qu’il faut avoir le cœur bien accroché pour supporter cette déchéance qui ne semble avoir ni répit ni porte de sortie. Tout le long parcours de Chou, qui se désagrège physiquement petit à petit, est perpétuellement jonché de sang, de deuils et de désolation jusqu’à la dernière image, qui exhale elle aussi le désespoir.
Faut-il donc regarder Funan ? Oui, mais pas dans l’état d’esprit qui est le nôtre quand nous allons habituellement au cinéma. Plutôt dans une démarche citoyenne : voir pour savoir, pour connaitre l’Histoire, ne plus ignorer l’indicible, le presque indescriptible. C’était sûrement d’ailleurs le but recherché par Denis Do, le réalisateur né en France en 1985, une décennie après ces atrocités, mais dont la propre mère est l’une des rescapées de ce génocide.
L’avis de nos familles testeuses
Carolyn G. a vu Funan avec sa fille de 15 ans
Il n’y a pas de passages drôles dans ce film, on n’esquisse même pas un sourire, on ne pleure pas non plus mais on ressort chamboulées. C’est un film qui nous fait prendre conscience de l’horreur humaine, celle qu’il y a finalement dans toutes guerres et toutes révolutions. Mais cette horreur humaine n’est jamais montrée, juste très fortement suggérée, et on imagine les tortures, les exécutions et les viols (scène pour moi la plus dure du film). L’héroïne prend 20 ans en 4 ans ! Elle vieillit par la misère, la charge de travail forcé, le manque de nourriture, le chagrin. Mais on ne peut qu’admirer ceux qui ont réussi à survivre à cette horreur, ceux qui n’ont jamais perdu espoir de retrouver un monde meilleur.
Le réalisateur n’a pas voulu faire de film politique mais on ne peut s’empêcher de penser que le communisme n’a rien de bon et n’est pas réalisable: il y aura toujours des gens supérieurs qui essayeront de tirer profit des autres. J’ai appris que l’histoire s’inspirait de celle de la mère du réalisateur, cela en devient encore plus poignant.
Les dessins sont simples, mais nous ressentons bien les émotions des personnages qui sont parfaitement claires sur leurs visages.
On ne peut pas dire qu’on a aimé le film, ni qu’on ne l’a pas aimé. On a du mal à se faire un avis car il est dérangeant. Il ne laisse pas indifférent. Un peu comme quand on regarde des films sur les camps de concentration. Par contre on a trouvé que certains passages étaient très plats et qu’il y avait quelques longueurs, mais elles sont là pour nous rappeler que les cambodgiens ne vivaient pas, ils survivaient juste.
C’est un dessin animé pour les plus de 14 ans et les adultes.
Lucie G. a vu Funan avec ses enfants de 10 et 14 ans
Ce film a beaucoup plu à mon fils de 14 ans. Son histoire d’abord. Puis il a trouvé le graphisme très esthétique, les effets de couchers de soleil ou de panorama sur les rizières ou la forêt impressionnants. Il a également apprécié son réalisme. On suit vraiment la vie des personnages pendant plusieurs années. Le rythme du film fait qu’on y entre. Enfin il a trouvé que les sentiments des personnages étaient bien rendus par leurs attitudes, leurs gestes. Ma fille de 10 ans a trouvé l’histoire très intéressante et s’est mise à la place de cette famille.
J’ai également apprécié ce film car je connaissais très peu cet épisode de l’histoire du Cambodge. J’ai trouvé que le parti du réalisateur de suggérer la violence plutôt que de la montrer était délicat : on voit l’arme, puis on passe à un autre plan. J’ai également aimé la qualité de l’image et la chronologie. J’ai cependant trouvé que le film ne donnait pas suffisamment le contexte historique. Mais je pense que c’est voulu et que le réalisateur, Denis Do, qui parle ici de l’histoire de sa mère, a souhaité que l’on vive une aventure humaine et non pas un événement à grande échelle.
Je recommande le film à partir de 11 ans, et si possible d’introduire ces événements dramatiques qui ont causé entre un et deux millions de morts au Cambodge. Pour ma part je ne l’ai pas fait avant le film et ma fille a été impressionnée par la tristesse de l’histoire, et une partie du récit lui a échappé.
FUNAN
Réalisé par : Denis Do
Avec les voix françaises de : Bérénice Béjo, Louis Garrel et Colette Kieffer
Genre : Animation, Drame
Durée : 1h22
Sortie au cinéma : le 6 mars 2019
CONCOURS : A gagner 10 invitations pour 2 personnes du 28 février au 10 mars dans l’espace Concours !
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