Certaines oreilles bien éduquées n’aiment que les morceaux raffinés qui monopolisent les ondes de France Culture. Et puis il y a les miennes (et peut-être les vôtres), qui sont incapables de résister aux bons vieux tubes inavouables. Voici pourquoi il faut les défendre haut et fort.
Regardez-moi dans les yeux et jurez-moi que vous n’en avez pas une… Une quoi ? Trêve de cachotteries, vous voyez bien ce dont je veux parler : cette chanson que tout votre entourage, de votre moitié à vos enfants, en passant par vos parents et vos frères et sœurs, trouve absolument nullissime et inaudible. Il suffit d’ailleurs que vous en lanciez les premières notes sur Deezer ou Spotify pour qu’ils hurlent à la mort à l’unisson… Oui, vous savez, cette chanson ringarde que vous traînez comme un boulet dans vos soirées entre amis, surtout si l’on considère les goûts pointus des susdits camarades, lecteurs des Inrockuptibles et de Télérama, qui ne jurent que par Gregory Porter, Dizzie Gillespie et Astor Piazzolla. Pourtant, malgré l’opprobre dont elle vous entoure, vous l’aimez tellement, cette chanson, qu’elle est capable de vous guérir des pires déprimes et que vous pouvez l’entendre dix fois de suite sans vous lasser.
Chez vous, c’est peut-être Les Lacs du Connemara de Michel Sardou, Pauvres diables de Julio Iglesias, T’en va pas d’Elsa, le Despacito de Luis Fonsi ou encore Bella de Maitre Gims ? A chacun sa croix discographique, mon plaisir pas coupable à moi, c’est le Tu m’oublieras de Larusso, une compo qui fleure bon les colorations hasardeuses et les excès de maquillage permanent de la toute fin des années 90. Et qui a un tel coefficient de « kitschitude » que notre flamboyante artiste avait d’abord refusé de l’interpréter quand un patron de studio est venu un jour la lui proposer. « Il m’a fait écouter le titre : je l’ai détesté. Je disais : « Ah non, moi je ne chante pas ce truc » a-t-elle expliqué il y a quelques années dans une interview donnée à Pure Charts. Mais n’en déplaise à Larusso et aux esthètes du si bémol et du fa dièse, j’ai rarement trouvé mieux pour booster mon humeur. Et j’avoue également mon vilain penchant pour Le coup de soleil de Richard Cocciante, Aimer (parce que « c’est monter si haut et toucher les ailes d’un oiseau », comprenez-moi) par la troupe de Roméo et Juliette ou encore A fleur de toi de Vitaa.
Oui, c’est certainement parce qu’entre un mélomane expert et moi, il y a quelques kilomètres, mais c’est aussi et surtout parce ces airs m’offrent sur un plateau des souvenirs, des bribes de vie, d’adolescence, de nostalgie et de bonheur. Voilà pourquoi je plaide pour que chacun d’entre nous assume au grand jour ses chansons honteuses, y compris s’il s’agit de Libérée délivrée dont on connait les ravages sur l’humanité, ou de René la Taupe, qui est si mignon mignon mais que personne n’aurait décemment le cran de comparer à Mozart… Car même vieillotte ou de mauvais goût, la musique, sorte de pansement pour l’âme, adoucit les mœurs. Et par les temps qui courent, on aurait vraiment tort de s’en priver…
Et vous, quelle est votre chanson ringarde ? A vous de faire maintenant votre coming-out musical !
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