Pour ou contre l’éducation positive ? Un débat relancé par l’ultra médiatisée Caroline Goldman, docteur en psychologie de l’enfant, qui estime qu’elle entrave la construction des enfants. Passons cette approche des relations familiales est au crible avec deux experts en psychologie.
Caroline Goldman critique vis-à-vis de l’éducation positive
Psychologue clinicienne et accessoirement fille de Jean-Jacques Goldman, Caroline Goldman fait entendre depuis quelques mois une musique assez particulière. La quadragénaire juge en effet que l’éducation positive ou bienveillante, qui privilégie le développement des compétences socio-émotionnelles essentielles des juniors, et s’appuie sur la notion d’encouragement et de collaboration avec eux, n’est pas salutaire pour les enfants. Dixit celle qui est aussi la créatrice d’un podcast très écouté et l’autrice de File dans ta chambre, l’éducation bienveillante les conduit, lorsqu’elle est appliquée de manière exclusive, à manquer de « structure ». Elle inciterai les enfants à être dans une forme de toute-puissance dangereuse, de narcissisme et d’incapacité à encaisser la frustration.
Fidèle à son mantra, Caroline Goldman a d’ailleurs été l’une des signataires d’une tribune collective, publiée dans le Figaro en octobre 2022. Elle déplorait les dérives de cette approche éducative. Et s’érigeait contre le fait qu’une représentante du Conseil de l’Europe ait demandé que l’on déconseille le « time out », pratique qui consiste à mettre un enfant dans sa chambre pour le punir. « Laisser à l’enfant le temps de se calmer seul n’est pas de la maltraitance, c’est lui permettre de grandir », expliquait ce texte qui disait aussi que « la société aujourd’hui, tend au contraire à culpabiliser et juger tout parent qui éduque son enfant ».
*Caroline Goldman est l’auteure de « File dans ta chambre ! Offrez des limites éducatives à vos enfants » (InterEditions) et « Etablir les limites éducatives » (Dunod)
Ses points de vue sur l’éducation sont-ils partagés dans sa profession ? Quel regard portent les spécialistes sur ce type de théories ? MAFAMILLEZEN a interrogé pour vous deux experts qui partagent leur avis sur l’éducation positive.
Apprendre à verbaliser ses émotions et à se respecter mutuellement
Pour Johanna Rozemblum, psychologue clinicienne, la communication et la verbalisation de ses émotions sont essentiels en éducation. De la bienveillance, oui, mais dans le respect d’un cadre.
« Le fait de lever la main ou d’utiliser la violence verbale ou physique ne devrait plus exister. A ce stade-là, on a déjà coupé le courant quelque part, on est dans l’échec. Quant au fait de mettre l’enfant dans sa chambre quand le parent est exaspéré, ça peut donner du souffle, permettre à chacun d’effectuer une prise de conscience, d’engager une réflexion. Mais ça ne doit pas être considéré comme une sanction, plutôt comme un sas de quelques minutes qui nous permet également de redescendre. C’est interactif et la démarche doit être mutuelle.
Plus généralement, il faut que le parent sorte de sa position hiérarchique. Il n’y pas d’un côté lui, qui sait et qui va annihiler la colère de l’enfant à coup de punitions, et ce dernier qui doit se soumettre. Car les neurosciences ont bien montré quel effet ce type de comportement pouvait avoir sur la structuration de son cerveau.
Je préconise aussi que les parents s’habituent à verbaliser leurs émotions. Ce n’est pas tabou. Parce qu’en les formulant, ils les acceptent, en informent leur entourage qui peut s’y adapter. Ca fait bouger les lignes et c’est un très bon exemple pour les enfants.
En revanche, ce qui ne doit pas être remis en question, c’est la fermeté, qui n’est pas un renoncement à la bienveillance. L’enfant doit respecter l’adulte et le cadre familial.
*Johanna Rozemblum est psychologue clinicienne, autrice de » Pervers narcissique – comprendre l’emprise pour s’en libérer« , et de « Hypersensibilité, comment en faire un atout ? » ( Editions Alpen)
Casser le rapport de force parent-enfant
Pour Jean-Pierre Thielland, psychopédagogue, une éducation ne peut être que bienveillante, la compréhension, la confiance et le respect étant indispensables pour bien grandir.
« Pour moi, l’éducation positive, c’est l’accompagnement et le respect des besoins affectifs et émotionnels de l’enfant. Cela casse le rapport de force entre le parent et l’enfant. Parce qu’il ne faut pas croire qu’un enfant qui pleure ou se met en colère cherche à prendre le pouvoir. Il vous témoigne au contraire sa confiance, parce qu’il sait qu’il a le cadre pour exprimer ses émotions. Lorsque l’on n’a pas cette possibilité, on devient inapte à comprendre ce qu’éprouvent les autres. On sait d’ailleurs aujourd’hui que les connexions neuronales sont très dépendantes du contexte où grandissent les enfants. Or, en adoptant cette attitude de compréhension, on leur offre une base sécure.
Ca n’implique pas que les enfants n’aient aucun frein, car il ne faut pas oublier que nous, les adultes, avons aussi nos propres limites ! Il faut donc montrer clairement ses émotions et ne pas chercher à véhiculer un modèle de perfection. C’est d’autant plus stérile qu’ils saisissent bien la distorsion entre ce que l’on dit être et ce qu’ils perçoivent de nous. La grille de lecture est donc faussée !
Alors, même si certains préconisent un retour en arrière, je pense qu’il faut abandonner ce modèle de domination âgiste qui ne produit rien de bon ».
*Jean-Pierre Thielland est psychopédagogue, membre de l’Observatoire de la violence éducative et auteur de « Je peux la taper, elle est de ma famille : attachement et violence éducative ordinaire » ( Ed. L’instant présent)
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