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Ados et éducation bienveillante : quelles limites ?  

Par Céline CONTE - Mise à jour le

L'éducation bienveillante

Sylvie Angel est psychiatre, thérapeute de familles, de couples et auteure de nombreux livres. Elle reçoit dans le Cabinet Pluralis, des ados en quête de repères. Comment doser autorité et bienveillance ? Quels sont les risques d’une éducation « démocratique » ?  On fait le point avec elle sur l’éducation bienveillante, une tendance éducative chez les parents d’aujourd’hui.

Au moment de l’adolescence, est-il nécessaire de maintenir une autorité forte ?

Sylvie Angel : Je ne suis pas favorable à une discipline très stricte. Les études prouvent que cela ne donne pas de bons résultats.  L’éducation consiste à poser des limites qui protègent l’enfant.
Eduquer, c’est donner la capacité à discerner ce qui est bien du reste. C’est ça l’éducation bienveillante. Dans 95% des cas, l’adolescence est une période merveilleuse. Il faut écouter, s’intéresser, essayer de comprendre l’univers dans lequel ils vivent. Par exemple, si un ado met sa musique trop fort dans sa chambre, au lieu de lui dire « je n’en peux plus de ta musique », il vaut mieux lui dire « je ne connais pas, fais-moi découvrir ». En entreprise, il existe même un terme pour qualifier le fait d’apprendre des nouvelles générations : le « reverse mentoring« .

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A l’adolescence, faut-il se faire aider en cas de conflit ?

Sylvie Angel : Quand un ado répond, se rebelle, claque la porte, insulte, c’est juste pour manifester son opposition.  Une mère peut entendre « je ne t’aime plus ». Elle ne doit pas le prendre personnellement. Elle peut demander conseil à un psy pour ne pas avoir de conduite inappropriée comme fouiller dans le portable de sa fille. Il faut comprendre que l’adolescent vit une période complexe où il a en même temps la volonté de montrer son appartenance et sa différence vis-à-vis de ses proches.

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Si l’ado ne parle pas, se referme sur lui-même, que préconisez-vous ?

Sylvie Angel : D’abord, toujours inviter les copains et les copines. La parole a plus de chance de se libérer en groupe. Ensuite, parler de soi, de son expérience, de sa propre éducation. Cette approche est plus intéressante que le questionnement inquisiteur.

Qu’en est-il de l’autorité des pères ?

Sylvie Angel : J’entends beaucoup de femmes qui se plaignent de toujours être celles qui imposent le soir de quitter les activités en cours pour se mettre au lit. Elles ont envie de se reposer après leur fameuse « double journée ».
Le père, le soir, a plutôt envie de profiter du temps libre avec ses enfants. La place du père a beaucoup évolué dans les dernières décennies. On est passé du patriarche craint de tous, au papa qui change les couches et donne le biberon.
Dans le film « Le chant du Missouri » de Vincente Minnelli, on retrouve la constitution de la famille traditionnelle des années 40 avec le rôle dominant du père. Aujourd’hui, beaucoup de divorces naissent, entre autres, de l’insatisfaction des femmes dans la répartition des tâches ménagères.

Comment expliquez-vous les divergences en termes d’éducation entre hommes et femmes ?

Sylvie Angel : Les grands-parents des enfants actuels avaient encore une conception assez rigide de l’éducation. Les femmes tendent à reproduire ce modèle  et les hommes à agir à l’inverse en se montant plus souples. Les mères voudraient souvent que les pères éduquent les enfants exactement comme elles le feraient et ont du mal à accepter des approches alternatives.

Aldo Naouri, avec qui vous avez co-écrit un ouvrage, a déclaré « si vous voulez faire de vos enfants des démocrates, traitez les en tant qu’enfants comme un fasciste. Si vous les traitez en tant que démocrates lorsqu’ils sont enfants, vous pouvez être sûrs que vous en ferez plus tard des fascistes ». Qu’en pensez-vous ?

Sylvie Angel : J’ai le cas d’une famille qui pratique l’éducation bienveillante, et qui pour toutes les décisions organisait des réunions avec une voix égale pour chacun. Cela n’est pas juste… L’enfant  ne doit pas compter autant que le parent car il n’a pas tous les éléments en main. Les parents doivent assumer leur rôle et garder le pouvoir. Le pouvoir n’est pas négatif mais structurant.

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Le fait d’expliquer et de négocier en permanence peut être source d’épuisement. Faut-il parfois imposer sans explication ?

Sylvie Angel : C’est essentiel en effet de dire parfois « c’est comme ça », « si cela ne te convient pas tant pis ». Dans sa vie, l’adolescent rencontrera un grand nombre de contraintes scolaires puis professionnelles. Si on n’intègre pas la loi, on ne peut pas s’inscrire dans tous les systèmes dont est constituée la société.
J’ai le cas d’un jeune qui voulait abandonner les études et ne pas passer son bac. Le père lui a dit « fais ce que tu veux » et l’a laissé quitter le lycée. Après des années, le jeune lui a dit  qu’il attendait de lui qu’il lui impose de continuer ses études. Le rôle des parents est de protéger les enfants jusqu’au moment où ils sont réellement en âge de décider par et pour eux-mêmes.

Lire aussi : Comment concilier éducation bienveillante et autorité ?

 

Pour aller plus loin :

Pluralis, centre de consultation fondé et coordonné par Dr Sylvie Angel
Un ensemble de praticiens spécialisés pour toute la famille
91 rue Saint-Lazare / 75009 Paris
01 55 31 95 90
info@pluralis.org
https://www.pluralis.org

Faut-il être plus sévère avec nos enfants ?
Edwige Antier, Aldo Naouri. Editions Mordicus.
Deux interviews choc. Deux approches différentes, complémentaires et inspirantes de l’éducation. Commander

Le grand guide de l’éducation constructive: Les clés d’un bonheur durable.
Marie Gilbert. Editions Eyrolles.
Une série de repères pour prendre conscience des mots et des attitudes qui aident l’enfant à se construire sur des bases solides. Une mine d’excellents conseils et d’exemples utiles au quotidien. Commander

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