Comment Daech s’y prend pour recruter les jeunes djihadistes ? Quels sont ses méthodes pour passer de l’endoctrinement à l’embrigadement ? Et enfin que peuvent faire les parents pour lutter ? Le livre Comment sortir de l’emprise « djihadiste » ? de Dounia Bouzar est une référence. Il fait partie des livres à lire…
Dounia Bouzar est anthropologue. Elle a créé avec d’autres experts l’association du CPDSI (Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’Islam). Et participé aux recherches liées à la prévention et au traitement de l’endoctrinement de l’Islam radical. Depuis un an, elle a aidé plus de 400 jeunes à sortir du djihadisme. Elle nous explique ici sa méthode.
Le complot
Un jour, un jeune tape sur internet « monde injuste » ou « donner du sens à sa vie ». Il tombe alors sur des vidéos, qui l’amènent vers de nouvelles vidéos… De vidéo en vidéo, il va être entrainé dans un monde corrompu, injuste, de complots… Où certains – les plus puissants – ont vendu leur âme au diable, afin de profiter du Pouvoir et pervertir les adultes. Ces vidéos de propagande sont extrêmement crédibles : les terroristes y mélangent vraies et fausses infos. Ils y font référence à des films ésotériques adulés par les ados. Ils inventent des preuves qui impliquent la méfiance… De quoi créer de la confusion mentale, terreau idéal pour ensuite endoctriner ces jeunes qui doutent d’eux et du monde qui les entoure.
L’élu
Convaincu que le monde est aux mains de personnes perverties et vendues au diable, le jeune ressent un certain malaise. Les djihadistes lui font alors croire que ce malaise est du à sa supériorité. Au fait qu’il est « élu par Dieu » pour sauver le monde. Et que personne – même les musulmans « traditionnels »- ne peut le comprendre. Il va lui falloir adhérer à « l’Islam véritable » et s’éloigner de tous les mécréants qui l’entourent. Afin de rejoindre le groupe des autres « élus ».
L’isolement
Afin de l’isoler totalement et augmenter son emprise sur le jeune, le groupe terroriste va le convaincre de se méfier de tout le monde : amis, professeurs, parents… On va également lui faire croire qu’il y a de la gélatine de porc dans tous les plats industriels afin qu’il ne partage plus ses repas avec d’autres. Ainsi, on coupe tous ses repères. Et on lui reconstruit une identité, un nouveau groupe d’appartenance, une nouvelle histoire et même un nouveau monde. Et on va lui apprendre à mentir, afin que sa famille, ses amis, n’imaginent pas qu’il est prêt à partir en Syrie,ce qu’il finit par faire.
L’embrigadement
C’est alors que l’endoctrinement djihadiste se transforme en embrigadement : le jeune est déshumanisé. On tue devant lui, afin de l’habituer à la mort. On lui demande de tuer. On découpe les cadavres afin qu’ils n’aient plus rien d’humains. Il n’est plus personne, il fait partie d’un groupe qui décide pour lui et le fait agir à sa guise.
Et après ?
Lorsque les parents réalisent ce qui se passe, il est souvent bien tard. Les signes qui devraient alerter sont les suivants :
– Rupture soudaine avec ses anciens amis : « ils sont superficiels, je n’ai plus rien à leur dire ».
– Rupture soudaine avec les activités de loisirs. Plus de cours de guitare, foot…
– Rupture scolaire : « mes profs sont payés pour m’endormir, je ne veux pas être parasité dans ma mission… »
– Rupture familiale : outre l’isolement, le jeune va faire des choses insupportables à la maison : jeter le vin, le parfum, détruire les représentations humaines et animales ce qui énerve les parents. Daesch va en profiter pour dire « tu vois, tu es mieux avec nous ».
Pour accompagner ces familles en grande souffrance, Dounia Bouzar explique qu’il est impossible de raisonner quelqu’un qui n’a plus accès à sa raison. En revanche, l’utilisation des 5 sens pour permettre de retrouver d’anciennes émotions fonctionne mieux : chanter les chansons qui servaient à l’endormir quand il était bébé. Le ramener sur un lieu de vacances chargé de bons souvenirs. Lui faire les gâteaux qu’il aimait plus jeune… Tous ces éléments vont permettre au jeune de retrouver un peu d’humanité.
Ensuite, il va falloir lui montrer les ficelles de la manipulation utilisées par les terroristes. Pour cela, d’anciens djihadistes vont venir témoigner. Peu à peu, le jeune va ainsi se « ré-humaniser ». Mais ce n’est pas terminé : le suivi passe également par l’accompagnement des parents. En effet, leur peur que le jeune replonge les fait agir comme les terroristes : surveillance accrue, aucune liberté donnée, jugements à l’emporte pièce… Autant de méthodes qui risquent justement de faire repartir le jeune.
En conclusion, n’importe quel parent qui doute et s’interroge ne devrait pas rester seul. Il peut appeler soit sa Préfecture (désormais, elles sont toutes dotées d’une cellule de suivi pour les familles), soit contacter le numéro vert pour faire le point : 0800 005 696.
Comment sortir de l’emprise djihadiste, Dounia Bouzar, Editions de l’Atelier, mai 2015, 15 €. Commander.
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