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Comment la Covid-19 a bouleversé les usages numériques de nos enfants

Par Nathalie Brunissen - Mise à jour le

que font les jeunes sur les réseaux sociaux

Avec les confinements successifs et les enseignements à distance, le temps passé par nos enfants et nos ados sur le Net a considérablement augmenté, pour atteindre une moyenne de 7h16 par jour. Avec une hausse alarmante de la fréquentation des réseaux sociaux, en particulier chez les moins de 13 ans, qui ne sont pas censés y avoir accès. Quels conseils donner aux parents désappointés par les usages numériques de leurs enfants et inquiets face au risque de harcèlement en ligne ?

Nous avons rencontré Axelle Desaint, responsable pédagogique à Internet Sans Crainte, qui pilotera une webconférence gratuite, le 8 février, pour aider les parents à mieux accompagner leurs enfants sur les réseaux sociaux. Elle fait le point avec nous sur les nouveaux comportements numériques des jeunes, et rappelle aux parents quelques règles toutes simples pour protéger les enfants des dangers du Net.

L’édition 2021 du Safer Internet Day, la journée mondiale pour un Internet plus sûr, qui débutera le 9 février pour un mois de mobilisation, aura pour thème « Usages du numérique et des écrans : accompagner les jeunes à l’heure de la Covid-19 ». Parce qu’à l’heure où la pandémie réinvente le comportement des enfants et des jeunes en ligne, il est essentiel de les éduquer à de bonnes pratiques numériques et de réduire ainsi les risques auxquels ils peuvent être exposés. Et les chiffres d’une récente étude* sur les enfants et les écrans pendant le confinement interpellent, et ont de quoi inquiéter les parents souvent démunis. Les 6-12 ans ont ainsi passé 7h par jour en moyenne sur le Net. Plus inquiétant à cet âge, sur les 7h16 passés en ligne, les plus jeunes ont passé en moyenne 1h15 à des activités de socialisation, alors qu’ils ne sont pas censés avoir accès aux réseaux sociaux, et 1h30 à la consultation d’information. Plus d’écrans, des enfants plus jeunes devant les écrans, et pas forcément accompagnés… Comment gérer ?

Bilan post-confinement des nouveaux usages numériques chez les jeunes

L’enquête Covid-Ecrans en famille* s’est spécifiquement intéressée aux usages numériques dans les familles pendant les confinements. Axelle Desaint, responsable pédagogique à Internet Sans Crainte, souligne que « les impacts sont assez marquants sur trois aspects » :

Une hausse de la consommation générale du temps d’écran

7h16 par jour en moyenne sur les écrans, c’est beaucoup ! Une exposition accrue qui selon Axelle Desaint d’Internet Sans Crainte, est « énormément lié au contexte, à l’école qui est davantage transposée devant l’écran ». Mais quand on regarde en détail les temps d’écran des 6-12 ans, « la partie sur l’école est assez minime ». Car bien sûr, confinés à la maison, privés de copains, de sorties, d’activités sportives et périscolaires, avec des parents qui doivent conjuguer télétravail et école à la maison, « on est obligé de lâcher du lest au niveau des écrans ». Hormis la surexposition aux écrans, ce qui interpelle surtout, c’est le temps dédié aux échanges en ligne, en particulier chez les plus jeunes.

Axelle Desaint se veut rassurante : « ça a un côté positif, car c’est toute une socialisation qui n’était plus possible qui s’est transposée en numérique. Ce qui ne veut pas dire qu’ils se sont tous inscrit sur Facebook ! ». De nouvelles applications ont en effet émergé pendant cette crise sanitaire. « Les groupes de famille WhatsApp se sont généralisés. Les apéros Zoom pour les plus grands se sont transposés en goûters Zoom avec papy et mamie ». Donc ces nouveaux usages auraient au final eu un effet positif pour maintenir le lien social, en particulier avec sa famille.

Des enfants confrontés au cyber-harcèlement de plus en plus tôt

Un positivisme tempéré tout de même, car « pour autant, ce qui pose souci, c’est que ça a amené des enfants beaucoup plus jeunes à être sur des outils d’échange en ligne sans avoir forcément les codes de ce qui se fait ou de ce qui ne se fait pas. Les créations de groupes WhatsApp d’élèves, à partir du CM1 et du CM2, beaucoup à partir de la 6ème, ont notamment explosé pendant cette période », et peu de parents savent que WhatsApp est interdit avant 16 ans… Lâchés sur le Net sans plus d’encadrement, les enfants très jeunes se sont ainsi retrouvés confrontés au harcèlement en ligne.

Axelle Desaint confirme : « on a été alerté par des établissements scolaires : on a retrouvé des problématiques de cyber-harcèlement qui se sont transposées sur ces espaces-là, avec des enfants de plus en plus jeunes, et pas exposés auparavant ». WhatsApp, un espace d’échanges considéré peut-être comme moins « à risques » par les parents rôdés aux réunions de famille via cette application. Et force est de constater qu’ « on voit énormément de dérives sur ces nouveaux comptes car pris en main par des enfants très jeunes. On voit des situations de harcèlement se transposer plus tôt ». Un phénomène qui s’est vraiment accru cette année, et qui invite les parents à plus de vigilance.

Une exposition accrue aux fake news

La crise de la Covid-19 a favorisé les situations de peur et de stress propices à la propagation de fausses informations. Les jeunes, et en particulier les plus jeunes, se sont ainsi retrouvés face à un flot de fake news et de théories complotistes sur le Net, sans avoir les codes pour décrypter ces informations jouant sur les peurs et le sensationnalisme. Les ados s’informent énormément via Youtube, sans avoir conscience que la plateforme les manipule pour capter leur attention.

Axelle Desaint le confirme, « ceux qui avaient déjà la pratique des réseaux sociaux et qui ont passé plus de temps d’écran ont par conséquent été confrontés davantage à ces informations. Et les plus jeunes, qui ont goûté du WhatsApp pour maintenir le lien, se sont retrouvés exposés à ces théories du complot parce qu’un copain connecté ou un membre de la famille leur a envoyé une vidéo… Ils se sont retrouvés en contact avec des contenus vers lesquels ils n’allaient pas traditionnellement ».

Pas facile non plus pour les parents, même s’ils sont eux-mêmes sur les réseaux sociaux, de savoir ce à quoi sont exposés leurs enfants, car « on n’est pas forcément sur les mêmes que ses enfants, donc on n’a pas forcément les bons réflexes », reconnait Axelle Desaint .

Comment protéger ses enfants des dangers du net ?

Alors comment protéger ses enfants des dangers du Net ? Axelle Desaint nous donne quelques conseils très simples à appliquer, accessibles à tous les parents, et casse au passage quelques mythes : non, les enfants d’aujourd’hui qu’on baptise souvent les « digital natives » ne connaissent pas de manière innée les règles de bonne conduite numériques… Et ça n’est pas parce que c’est virtuel que ça n’a pas de conséquences dans la vie réelle. Beaucoup de parents se demandent ce qu’ils peuvent faire concrètement, et se rassurent en installant un contrôle parental. Ou bien s’interrogent sur les suites données à un signalement par les différents réseaux sociaux ou des services comme Net-Ecoute. Des réponses concrètes leur seront données lors de la web-conférence du 8 février 2021 (voir plus bas). Axelle Desaint reconnait qu’en tant que parents, « on n’a pas forcément envie de se remettre en question quand on veut placer une parole éducative. C’est pour ça qu’il faut aussi les rassurer en leur disant qu’il y a tout un discours qui est à leur portée ». Alors quels conseils peut-on donner aux parents ?

Rappeler ce qui est de l’ordre du privé et paramétrer ses réseaux sociaux

Première des choses à faire avec ses enfants, paramétrer avec eux leurs réseaux sociaux. Et pourtant, peu de parents y pensent. « Se pencher ensemble autour des paramétrages, ça peut être une manière de découvrir ce qui est fait de nos données. Beaucoup de jeunes pensent par exemple que Snapchat est un espace très privé et hyper sécurisé, alors que ce réseau social récupère toutes les données ». Axelle Desaint insiste : « le fait de mettre son compte en privé est extrêmement important. Avoir un compte public, c’est s’exposer au regard et à la parole d’inconnus. Moins on connait la personne, plus on va s’autoriser à lui dire qu’on veut ». Rappelez à vos enfants que de la même manière que vous leur avez appris à ne pas parler à un inconnu dans la rue, ils ne doivent pas parler à des inconnus sur le Net.

Axelle Desaint ajoute, « aller voir avec eux les conditions d’utilisation, c’est à la portée de tout le monde, et ça peut être un premier support d’échange ». Intéressez-vous à ce que vos enfants font sur leurs réseaux sociaux, cela leur montrera que vous vous intéressez à eux. « Des valeurs éducatives bien plus fortes que le contrôle parental, qui est en fait un verrou sur une porte, et qui revient à se dire, « mes enfants utilisent quelque chose et je ne me suis jamais intéressé au mode d’emploi… ». Et d’ajouter, « ça peut être sécurisant pour des parents d’activer un contrôle parental et d’interdire. Le problème c’est qu’on sait que là où il y a de l’interdit, il y a plus de transgression, et de moyens de le faire ailleurs ».

Partage d’images dénudées, sexting… « font partie des codes de la séduction aujourd’hui, et cela très très tôt » déplore Axelle Desaint . Rappelez à vos enfants « qu’une image d’un mineur de lui appartient pas. Il n’a pas le droit de partager sa propre image, et il n’a pas le droit de partager l’image des autres. Il peut être attaqué pour ça ». Insistez sur ce qui est légal, mais aussi sur « tout ce qui met en danger à partir du moment où on le partage. Plus on partage de photos de soi, plus on s’expose à des commentaires ».

Rappeler des règles d’éducation et de respect… de base

Rappeler quelques règles élémentaires de bon sens peut aussi aider les jeunes à prendre du recul sur une situation. Bien rappeler à ses enfants que derrière son écran, « on parle à une vraie personne, qui reçoit leurs mots de la même manière que si on les lui disait en face. Ca semble être une évidence, mais ça ne l’est pas ». Rappelez-leur que les valeurs de respect de tous les jours que vous leur avez inculquées sont aussi valables pour le numérique. « Les notions de harcèlement et de cyber-harcèlement sont souvent liées au fait qu’on oublie certains codes de savoir-vivre. Il y a tout un travail à faire autour de l’empathie, du respect de l’autre, de l’acceptation de soi et des autres. Ce sont des sujets qui touchent plus largement l’enfant en tant qu’individu ou que citoyen, que ce soit dans sa vie réelle ou dans sa vie numérique. Ca ne devrait pas être deux vies différentes ».

N’hésitez pas à parler du cadre légal qui régit les réseaux sociaux, et des conséquences de comportements inappropriés. Les parents doivent aussi être conscients qu’ils ont une responsabilité dans ce que font leurs enfants sur Internet, et qu’ «  ils peuvent s’exposer à la loi et se retrouver dans une situation où l’enfant est responsable pénalement ».

*Données issues de l’enquête Covid-Ecrans-En-Famille menée par Catherine Dessinges (Université Jean Moulin Lyon 3) et Orélie Desfriches Doria (Université Paris 8) auprès d’enfant entre 6 et 12 ans en juin 2020.

Pour aller plus loin :

Des fiches conseils parents sur 3 problématiques clés mises en avant par les confinements : hyperconnexion, réseaux sociaux et fake news. A télécharger ici.

Une plateforme familiale d’éducation au numérique : FamiNum
Pour accompagner les familles dans la mise en place de bonnes pratiques numériques à la maison.

« Familles connectées, testez-vous ! » : 3 quiz numériques parents/enfants-
– Les écrans et nous
– Les réseaux sociaux et nous
– L’info en ligne et nous

Retrouvez tout le programme du Safer Internet Day

Sites utiles :

Internet Sans Crainte : Le programme national de sensibilisation opéré par TRALALERE
Net Ecoute : 0800 200 000, le numéro vert national de conseil et d’assistance aux jeunes victimes et aux parents, géré par l’Association e-Enfance
Point de Contact : plateforme de signalement de contenus illicites

 

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