Dans l’ouvrage Surmonter sa peur de l’autre, Laurie Hawkes éclaire sur les mécanismes de l’anxiété sociale. L’autrice vous invite à dépasser cette peur afin de créer de nouveaux liens et une vie à la hauteur de vos désirs… que vous soyez enfant ou adulte !
« Pour certaines personnes que l’on qualifie de timides, introverties, hypersensibles ou hyperémotives, les relations sociales ne vont pas de soi. Se sociabiliser et trouver sa place dans un groupe équivaut à une épreuve qu’elles préfèrent éviter, voire à une angoisse paralysante. Quelle que soit l’origine de cette peur – celle de l’intimité, d’être jugé ou de blesser l’autre -, fuir le contact avec autrui réduit les possibilités d’épanouissement et peut conduire à l’isolement. » Laurie Hawkes, est psychologue clinicienne et psychopraticienne, cofondatrice de l’EAT (École d’Analyse Transactionnelle) au sein de laquelle elle enseigne. Elle est l’auteure de nombreux livres en psychologie, parmi lesquels Le grand livre de l’analyse transactionnelle avec France Brécard. Elle a accepté de répondre à nos questions.
D’où viennent nos peurs et pourquoi se manifestent-elles ?
La peur est l’une des émotions naturelles des mammifères. La question est : de quoi allons-nous avoir peur ? Chaque espèce animale a des peurs plus ou moins spécifiques. Par exemple les oiseaux craignent les chats, les chats craignent les chiens, les antilopes craignent les lions.
L’être humain, lui, craint naturellement la plupart des gros animaux, car ils représentent souvent un danger réel. De même, un autre humain, s’il est armé d’un couteau, provoque en général la peur. Mais pourquoi certains ont peur d’un humain non armé, voilà le mystère. Cela tient probablement au moins en partie à la nature de l’individu, car certaines études montrent qu’un certain nombre de bébés naissent « hautement réactifs », tendant à se contracter et à pleurer face à un stimulus inconnu. Mais bien sûr, cela tient aussi à l’éducation, aux expériences de l’enfance plus ou moins bonnes, avec les proches, puis dans le milieu scolaire et ailleurs.
La peur provoque chez la plupart des animaux une réaction dite « fight flight freeze ». Fight : certains vont se battre, attaquer – par exemple un fauve (on dit « se battre comme un lion »), ou un rat acculé. Flight, la fuite : en général une antilope ou un zèbre compte sur sa vitesse pour échapper au danger. Freeze, on est comme figé, paralysé, tel l’opossum qui fait le mort. Les êtres humains peuvent manifester ces trois réactions, en fonction et de la nature du danger, et du tempérament du sujet. Face à un terroriste qui tire au fusil mitrailleur, certains vont se jeter sur lui pour le désarmer, d’autres prendront leurs jambes à leur cou, d’autres encore se coucheront pour avoir l’air morts. L’une ou l’autre réaction peut être préférable pour la situation, mais surtout nous avons tous une tendance préférentielle vers l’une ou l’autre.
Avoir peur des gens autres que notre famille proche apparaît généralement vers le 8e mois de vie de l’enfant. Ensuite, si tout se passe bien, l’enfant apprend à faire confiance à d’autres personnes, son cercle de sécurité s’étend. Mais pour certains, les inconnus restent inquiétants (au-delà des recommandations parentales de « ne pas parler aux inconnus ! »). La rentrée dans une classe nouvelle, une fête chez un camarade de classe, des invités dans la maison, vont susciter de l’anxiété, parfois très forte.
Comment savoir si le niveau d’angoisse qui nous assaille est « gérable » seul ou non ? A quel moment doit-on demander de l’aide ?
La plupart des gens souffrant d’anxiété sociale ont déjà bien conscience du problème. En général, ils rêvent de pouvoir interagir plus librement avec les autres, de sortir facilement. Si malgré leurs efforts personnels ils n’arrivent pas à se libérer, et qu’ils souffrent de cette limitation de leur vie, c’est une bonne idée de chercher de l’aide.
Vous évoquez les croyances limitantes comme source de nombreuses peurs. Quel lien établissez-vous entre les deux ? Comment dépasser ces méconnaissances ?
Nous avons tous des croyances concernant nous-mêmes (« je suis une timide », « je réussis tout ce que je touche », etc.), et les autres gens (« ils cherchent à vous avoir », « il y a toujours quelqu’un pour vous aider »). Cela nous permet de prévoir plus ou moins ce qui risque de se passer dans notre vie. Mais si nos croyances sont très négatives, par exemple « les gens sont méchants », elles augmentent forcément notre anxiété. Il est important d’arriver à assouplir et modifier en profondeur ces croyances pour nous attendre à des interactions plutôt agréables avec autrui. Cela ne se fait pas en quelques minutes, on peut avoir besoin d’y travailler en psychothérapie, en tout cas on a généralement besoin d’aide. Or le fait de se faire aider constitue déjà en soi un exercice de confiance ! Et peu à peu, par la parole et par une habituation progressive, on peut faire l’expérience d’une certaine bienveillance venant d’autrui, ce qui peu à peu modifiera nos croyances à leur sujet.
Si mon enfant me semble introverti, comment savoir s’il en souffre ? Et si c’est le cas, comment l’accompagner pour s’ouvrir aux autres ?
Un enfant introverti montre généralement une préférence pour les activités solitaires ou avec seulement un ou deux amis proches. Souvent, il ne souffre guère de cette situation. On peut tout de même l’encourager à expérimenter de temps en temps des situations sociales, mais sans critiquer son goût pour une vie plus intérieure.
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Vous mettez en avant la notion de tempérament aussi bien pour les enfants que pour les adultes. Comment cerner puis prendre en compte le tempérament de son enfant pour ne pas être un parent « nocif » ?
Les parents d’aujourd’hui sont en général très à l’écoute de leurs enfants, ils cherchent à savoir ce qui leur convient le mieux. Avec une telle attitude, on ne risque guère d’être « nocif » pour l’enfant. On s’intéresse à lui, à ses préférences, on discute…
Mais si on le juge, si on le critique d’être comme il est, les choses se gâtent. Soit il arrivera à aller contre sa nature, en se forçant, mais se sentira constamment en porte à faux, avec l’impression de n’être pas vrai. Soit il n’y arrivera pas et les critiques parentales lui donneront l’impression d’être insatisfaisant. Cela minera son estime de soi.
Quelles attitudes ou paroles peut-on avoir en tant que parent pour aider son enfant à surmonter son anxiété sociale ?
On veut aider l’enfant à dédramatiser, à relativiser ses peurs, et lui montrer que les autres ne sont pas si redoutables. L’idéal est d’arriver à offrir à l’enfant des expériences très progressives, de plus en plus en contact avec d’autres. De le pousser vers l’extérieur, mais à petites doses, de façon à ne pas le brusquer et à ce qu’il ressente du plaisir à chaque étape. Car le plaisir qu’il découvrira en passant des moments joyeux avec d’autres enfants sera le meilleur motivateur pour continuer.
Si vous aviez un unique conseil à donner aux personnes anxieuses, quel serait-il ?
Ne vous laissez pas enfermer par vos peurs ! Vous pouvez vivre bien, en les réduisant, en les connaissant, en les acceptant sans vous y soumettre.
Notre avis sur le livre « Surmonter sa peur de l’autre – Retrouver confiance en sa capacité à créer du lien », de Laurie Hawkes
Comment nous débarrasser des angoisses qui nous paralysent, nous empêchent d’oser, de nous lancer ? En se penchant sur de nombreuses situations du quotidien qui peuvent générer de l’angoisse, Laurie Hawkes nous donne des clés de compréhension de notre peur des autres. Puis, elle nous ouvre des portes libératrices : oui, il est possible de surmonter sa peur de l’autre à tout âge !
Le propos bienveillant et jamais dans le jugement, est étayé par de nombreux exemples permettant à chacun de se retrouver dans certaines situations évoquées. Les auto-évaluations proposées donnent l’occasion de s’interroger sur nos angoisses et nos comportements. Cette lecture est une première marche franchie pour surmonter sa peur de l’autre.
« Surmonter sa peur de l’autre : retrouver confiance en sa capacité à créer du lien » de Laurie Hawkes, publié chez Eyrolles le 3 mars 2022, 18 € – Commander sur la Fnac ou Amazon
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