Voici (encore) un concept sur la parentalité qui arrive directement des USA. Un parent « hélicoptère » est un parent qui semble s’éloigner (un peu) de son enfant afin de lui apprendre l’autonomie… quand tout va bien. Mais le parent reste « en vol stationnaire » au dessus de son enfant. Ainsi, à la moindre difficulté de son chérubin, le parent plonge et vient régler le problème de son enfant… à sa place, ne le laissant (presque) jamais vivre des épreuves et s’en sortir… seul.
Qui sont les parents concernés ? Est-ce une attitude juste ? Finalement, quelles sont les véritables limites de l’autonomie ?
Des parents surprotecteurs
Imaginez-vous dans quelques années. Votre « chérubin » a environ 25 ans. Il vit en couple, fait des « petits boulots » en attendant de trouver le CDI de ses rêves et fait beaucoup la fête. Mais aujourd’hui, rien ne va pour lui. Il vous a appelé(e) pour vous raconter : ses difficultés de couple, ce CDI non décroché, et sa dispute avec ses amis pour un motif insignifiant. Cela vous remue car ce que vous souhaitez avant tout, c’est le bonheur de votre enfant. Vous vous êtes tellement donné(e) et battu(e) pour cela.
Alors vous décidez de prendre les choses en main ! Vous vous rendez à la sortie du travail de sa (son) compagne (compagnon) et invitez celle-ci (celui-ci) à prendre un verre. Et là, vous expliquez à cette personne en long et en large que votre enfant souffre, qu’il l’aime. Qu’il a besoin d’elle (de lui) pour aller bien, et que la façon dont il se comporte en ce moment, ce sont juste… des maladresses car il se sent mal de ne pas décrocher de « vrai » travail.
Puis vous vous rendez dans l’entreprise qui a préféré un autre profil que celui de votre enfant, directement dans le bureau du patron et vous suppliez celui-ci d’embaucher votre fils… Vous êtes presque menaçant(e) en valorisant les compétences de petit chéri.
Ensuite, vous décrochez votre téléphone et appelez chaque ami de votre fils (puisque vous avez tous les numéros enregistrés) pour leur signifier que « vraiment ils ne sont pas sympas et qu’ils pourraient s’excuser de traiter ainsi leur ami qui se donne tant de mal pour eux ».
Et pour finir, vous vous rendez à l’appartement de votre fils et – pour lui faire une surprise – vous faites le ménage à fond et remplissez son frigo de bons petits plats préparés spécialement pour lui remonter le moral.
Comment vous sentez-vous ? Trouvez-vous ce comportement normal ? Si oui, projetez-vous encore 25 ans plus tard, et imaginez la même scène… A quel âge votre enfant devrait-il être capable de régler seul ce type de problèmes ? 50 ans ? 25 ans ? Ou avant ?
Parent « hélicoptère » ou parent « poubelle » ?
Je vais peut être vous choquer en vous dévoilant un secret bien gardé : non, l’autonomie ne tombe pas, par magie, sur la tête de vos enfants la nuit de leurs 18 ans. Aucune petite fée ne vient les rendre autonomes… Mais ce n’est pas le rôle de l’école non plus. L’école apprend à vos enfants à vivre en société, elle leur apprend à résoudre des problèmes… de maths ou de physique, pas des problèmes relationnels.
Dans un monde qui n’a jamais été aussi sûr (les voitures ont des ceintures, des airbags, de bons freins…, les aires de jeux sont rembourrées, tous les parents sont joignables dans la minute grâce à leur téléphone portable, les homicides sont en baisse et les kidnapping rarissimes…), la majorité des parents a peur. Peur que son enfant ne soit pas heureux, qu’il vive de la frustration, qu’il soit violenté dans la cours de récréation ou par un prof fatigué qui, avec des phrases assassines, humilie ses élèves. Alors, « parce que le monde est bien assez difficile comme ça ma pauv’ dame… avec la crise, les attentats, le chômage… il faut bien qu’on les protège nos petits… et pis, c’est important de les écouter nos loulous ! ».
Et de fait, une grande majorité des parents deviennent ce que j’appelle des « parents poubelles » : leur enfant, quel que soit le problème peut (doit ?) venir leur en parler. Ça leur fera du bien de se décharger, d’être entendu dans leur difficulté. Et c’est vrai que de pouvoir parler à des personnes bienveillantes – et formées à l’écoute active (cf mes formations) -, ça fait du bien ! Cela permet de traverser son émotion, de reprendre pied, de reconnecter son cerveau émotionnel à son cerveau « pensant ». Le problème est qu’en partageant leurs difficultés, les enfants nous en laissent aussi souvent la gestion. Et nous, parents bienveillants, nous ne voyons rien.
Exemple : je suis absente pendant plusieurs jours car je donne une formation. Mon enfant, 16 ans, m’envoie un SMS : « maman, je dois rentrer du lycée en train ce soir… mais il n’y a pas de train. Je fais quoi ? ». Il y a encore peu de temps j’aurais répondu :« ne t’inquiète pas ma chérie, j’appelle ton père ou les parents de tes amies, je vais trouver une solution ».
Autre exemple avec ma fille de 10 ans : « maman, j’ai oublié mon Bled, je ne peux pas faire l’exercice demandé par la maîtresse ». Bien entendu, j’ai envie de répondre : « j’appelle la mère de ta copine, elle va m’envoyer une photo de l’exercice ».
Dernier exemple : mon fils de 18 ans hurle (à 11 heures du matin) : « je suis CREVEE, je ne DORS PAS DE LA NUIT alors TAISEZ-VOUS et laissez moi dormir Bor… de M… de P… de C… ». Après avoir mis en place une conséquence sur l’utilisation des mots inadmissibles, j’aurais pu lui proposer, au choix : que j’aille acheter de la mélatonine à la pharmacie, de l’inscrire à un cours de relaxation, de prendre rendez-vous avec un médecin pour l’aider à gérer ses nuits sans sommeil.
Pour la résolution des problèmes, je suis une PRO ! C’est normal, je suis une MAMAN et même parfois il m’arrive de devancer les demandes : mon enfant a beaucoup de travail ? Je vais vider le lave-vaisselle à sa place, sans le lui dire. Je trouve que son copain est trop autoritaire avec lui ? J’appelle les parents du copain pour leur demander de parler à leur fils. Mais qu’en sera-t-il dans un an, quand mon fils étudiant, partageant une co-location ne pourra pas dormir ? J’irai lui chercher une autre co-location ? Lui acheter un « appartement au calme » ? Et la dernière, si elle oublie de rendre un dossier important à son patron, je travaillerai toute la nuit pour le faire à sa place ?
Non, je m’y refuse… et c’est pour cela que j’apprends à ne plus être une « maman hélicoptère ».
Abandon ou autonomie ?
Attention, arrêter de régler les problèmes de nos enfants ne veut pas dire les abandonner. Les enfants ne sont PAS des adultes miniatures. Leur cerveau est en construction (jusque 25 ans environ), leur personnalité aussi. Ce qu’ils vivent et la façon dont ils le vivent va façonner les deux… et ce dès la naissance.
Par exemple un bébé de quelques semaines que l’on laisse pleurer la nuit va apprendre… à laisser dormir ses parents. Il va aussi comprendre que sa douleur n’est pas importante, qu’il ne peut compter sur personne pour aller mieux, et que donc… il n’est pas quelqu’un d’important, même pour ses parents. Un enfant de CP peut oublier une fois ses affaires, sans que le parent ne lui dise « c’est ton problème, débrouille toi », mais lui apprenne plutôt comment utiliser le téléphone pour demander à son ami(e ) ce qu’il faut faire et surtout… comment arrêter d’oublier ses affaires.
Laisser ses enfants gérer ses devoirs, c’est aussi dire « si tu as un problème, je suis là, je verrai comment t’expliquer pour que tu puisses faire (et non faire à sa place) ou pour que tu me récites tes leçons ».
Un enfant de primaire ou de collège doit apprendre, avec l’aide de ses parents, comment gérer ses conflits en cours de récréation sans – forcément- aller chercher l’aide de la maîtresse ou du surveillant. Un ado devrait savoir comment s’adapter aux demandes des profs, même s’il n’est pas en accord avec leur façon de faire. Et devrait, quand ses limites sont atteintes, pouvoir en parler avec ses parents pour qu’ils viennent – à sa demande et après avoir testé des solutions – l’accompagner et l’aider à gérer ses problèmes.
Et puis il y a certains problèmes qui ne peuvent pas être résolus seuls : le harcèlement ou la phobie scolaire, l’humiliation devant toute une classe, le racket, la dépression, l’échec scolaire… Nos enfants ont besoin de notre aide pour s’en sortir. Ils ont besoin qu’on les outille pour résoudre leurs problèmes. Et ils ont aussi besoin qu’on les laisse… tomber du toboggan (sur le sol rembourré) qu’ils ont pris à l’envers, gérer leur tristesse de ne pas avoir été invité à l’anniversaire de X, expliquer à la prof pourquoi tel devoir n’est pas fait, chercher des solutions pour rentrer à la maison même en cas de grève de train, ou pour apprendre à dormir sereinement…
Un outil pour savoir quand intervenir : répondre à la question « finalement, à qui appartient VRAIMENT ce problème ? ». Et si c’est compliqué, contactez-moi, je mets en place des solutions pour vous accompagner.
Free-Range Kids, How to Raise Safe, Self-Reliant Children (Without Going Nuts with Worry) de Léonore Skenazy, 11 €. Commander
Le livre de cette maman américaine qui a fait la Une des journaux (ainsi que son fils) il y a 4 ans, quand elle a annoncé sur les réseaux sociaux qu’elle avait laissé son fils de 9 ans prendre le métro seul. Plus récemment, elle a proposé aux New-Yorkais de la payer 250 dollars de l’heure pour qu’elle ne surveille pas leurs enfants (« je les emmènerai au square et j’irai boire un café au Starbucks »)
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