Monique de Kermadec reçoit petits et grands patients « surefficients » depuis plus de 20 ans. Psychologue clinicienne et psychanalyste, elle éclaire ceux qui se retrouvent handicapés par leurs facilités. Ses crédos pour aider les enfants précoces à réussir : comprendre ses différences, sortir de sa tour d’ivoire et développer ses capacités émotionnelles. Entretien avec une femme d’exception qui démonte allègrement les idées préconçues.
Etes-vous favorable au fait d’accélérer la scolarité d’un enfant ?
Monique de Kermadec : Si l’enfant est en avance en maternelle ou au primaire, l’entrée en classe supérieure peut être anticipée. Mais au collège et au lycée, alors qu’on approfondit les matières, je n’y suis pas favorable. Certains enfants viennent me voir en consultation et expriment clairement leur refus de sauter une classe. Je pense qu’il faut respecter leurs choix. J’ai vu des garçons de 15 ans arriver en classes préparatoires complètement désarçonnés : ils n’ont pas l’énergie requise pour affronter le rythme et la charge de travail. Il faut donc faire preuve de beaucoup de discernement. Certes, un parent souhaite éviter l’ennui à son enfant. Mais le risque est de l’entraîner bien involontairement vers des formes de dépression.
Quelles situations d’échec peuvent rencontrer les enfants surdoués ?
Monique de Kermadec : Il arrive que des collégiens à haut potentiel soient orientés vers des filières techniques en fin de 3ème. Ils se sentent alors totalement en décalage. L’échec scolaire s’explique. Si l’enfant a toujours fonctionné grâce à ses facilités, il n’a pas appris à travailler. Il a l’impression que ses bons résultats arrivent comme par magie. Certains refusent les méthodes enseignées en 6ème et en 5ème. Or, au collège, dérouler la démonstration avec ses étapes s’avère aussi important que le résultat.
Quels sont les impacts des mauvaises notes sur l’attitude de l’enfant ?
Monique de Kermadec : L’enfant risque d’entrer en guerre contre l’école, de se montrer indiscipliné. Alors, les sanctions tombent et l’institution devient un lieu de souffrance. Cela s’amplifie dans le cas où les parents critiquent ouvertement le système éducatif (lire : Communiquer avec les enseignants). Ou le fait que l’avance de leur progéniture ne soit pas prise en compte. Au contraire, l’adulte a intérêt à soutenir les enseignants et expliquer à l’enfant qu’il est important de faire avec leurs règles.
Comment réagir en cas de mauvais résultats ?
Monique de Kermadec : Le plus souvent, l’enfant met la barre très haut pour lui-même. Il perçoit vite les failles, ce qui manque à son travail. Si un parent rajoute des exigences, le stress devient pesant et l’enfant se sent obligé de toujours se montrer à la hauteur. La pression des parents peut être induite de manière involontaire (lire : Le feedback constructif et positif, la base d’une bonne estime de soi). Par des remarques répétées. Par exemple, au lieu de dire « Tu es surdoué et tu as eu 4/10, c’est une honte ! », il faudrait dire « Cherchons à comprendre pourquoi tu as eu cette note. ». Prendre l’habitude d’analyser ses échecs s’avère d’un grand secours pour dédramatiser les expériences négatives.
Comment les parents peuvent amener un enfant à haut potentiel à répondre aux exigences de l’école ?
Monique de Kermadec : En classe, le maître ne veut pas seulement la réponse juste. Il veut qu’elle arrive de la bonne manière et au bon moment. L’enfant doit prendre conscience de cette réalité. Sinon, il risque d’agacer l’enseignant et de mettre les autres élèves en difficulté. Quant aux devoirs, je préconise de s’assurer que l’enfant ne les survole pas. Sans pour autant y passer des heures. Pour stimuler l’enfant, il est possible d’ajouter une application plus complexe de façon ludique par exemple.
Le fait que les enfants surdoués réussissent sans travailler serait un mythe ?
Monique de Kermadec : Il ne faut pas confondre « comprendre » et « savoir ». Certains ont bien compris un cours et ont l’impression de le maîtriser à la fin. Or, c’est faux : des exercices d’entraînement sont absolument nécessaires pour assimiler un contenu.
Pourquoi est-il souvent difficile pour un enfant surdoué d’écouter les autres en classe, d’attendre son tour de parole ?
Monique de Kermadec : Dans la plupart des familles, les parents sont focalisés sur cet enfant, l’admirent et le valorisent constamment. Quand il pose une question, on lui répond dans l’instant. Il n’apprend pas forcément à écouter les autres lors des réunions familiales. A l’école, l’enfant cherche à reproduire cela mais il ne peut pas, bien sûr, obtenir toute l’attention de l’enseignant et se voit contraint de patienter. Parfois, l’enfant se trompe parce qu’il ne prend pas le temps d’écouter entièrement la consigne.
Que pensez-vous de la multiplication des activités extra-scolaires ?
Monique de Kermadec : Certains parents inscrivent leurs enfants à des dizaines d’activités hebdomadaires pour voir si éventuellement, ils pourraient exceller dans l’une ou dans l’autre. D’autres font travailler leur progéniture jusque tard le soir et tous les week-ends (lire : Les devoirs, quelle galère ! Des cris, des larmes… comment s’en sortir ?). Ce qui ne laisse plus à l’enfant le temps de vivre, de penser, de s’ennuyer. Les temps vides sont utiles pour se poser des questions « qu’est-ce que j’ai envie de faire ? ». Ou simplement du temps pour « être ». Aider un enfant, ce n’est pas renforcer son QI ! Ce n’est pas non plus réussir à travers lui. C’est devenir son allié pour l’aider à vivre au mieux avec lui-même.
A lire pour aller plus loin :
Un livre didactique, accessible, tout simplement passionnant
Pour que mon enfant réussisse – Le soutenir et l’accompagner, de Monique de Kermadec, Editions Albin Michel,
L’enfant précoce aujourd’hui, le préparer au monde de demain, de Monique de Kermadec, septembre 2015, 16 €.Un livre écrit par la présidente de l’Association des Enfants Précoces et de l’Ecole Léonard de Vinci, 14,50 €.
Réconcilier l’enfant surdoué avec l’école : stop à l’échec scolaire !, de Laurence Lalande, chez Eyrolles, 16,90 €.A offrir d’urgence aux enseignants :
100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel, Dr Olivier Revol, Roberta Poulin, Doris Perrodin. Editions Tom Pousse, 14,50 €.
Un site qui aborde également la réussite de l’adulte surdoué
https://moniquedekermadec.com
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