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Famille recomposée l’envers du décor, un témoignage de 10 ans en famille recomposée

Par Nathalie Brunissen - Mise à jour le

Livre famille recomposée

11 % des enfants vivent en famille recomposée (source Insee) dont 940 000 vivent avec un de leurs parents et un beau-parent (source Ined). Loin de l’image idyllique des tribus recomposées représentées au cinéma ou dans les magazines, la réalité de ces familles recomposées n’est pas toujours si rose. Anne Chaplin, dans « Famille recomposée, l’envers du décor », livre un témoignage rare de belle-mère sur les difficultés à construire une famille recomposée épanouie. Nous l’avons rencontrée.

Colère, jalousie et peur… les dessous de la famille recomposée

Elle est loin la famille recomposée Ricoré quand on lit le livre d’Anne Chaplin. Après Familles recomposées : c’est pas gagné !, où le journaliste Daniel Chamoulaud partageait son expérience de beau-père, Anne Chaplin, dans Famille recomposée, l’envers du décor, casse le mythe de la recomposition familiale idyllique où tout le monde s’aime. Elle montre les dessous d’une situation explosive face à laquelle ses bons sentiments sont bien inefficaces. Elle décrit les situations inextricables dans lesquelles elle se débat et les sentiments inévitables qui en découlent : la colère, la jalousie, la peur.

Pourtant loin de la méchante belle-mère des contes pour enfants, et malgré toute la bonne volonté du monde, il lui a fallu dix ans de crises, de souffrance et d’abnégation avant d’enfin vivre une vie de famille (à peu près) apaisée avec son compagnon, sa fille et ses beaux-enfants. C’est un parcours du combattant qu’elle décrit, sans filtre et malgré tout avec un certain humour. Tiraillée entre des beaux-enfants « intouchables » qui la considèrent comme une « intruse », un compagnon de peu de soutien, une ex-femme en opposition constante, elle témoigne dans son livre de la difficulté à trouver leur place dans la famille et dans la société, pour ces beaux-parents, et en particulier les belles-mères, qu’elle considère comme les « sans-papiers des familles recomposées », des « mères porteuses d’après la naissance » qui n’ont finalement que peu de droits, pas même celui à la reconnaissance. 

Un livre coup de poing à lire absolument pour y puiser de précieux conseils qui devraient aider bon nombre de beaux-parents et de parents dans ce schéma de recomposition familiale à trouver la voie pour réussir leur famille recomposée et s’y épanouir.

Famille recomposée, l’envers du décor, par Anne Chaplin, chez Librinova, 12,90 €. Commander

 

Rencontre avec Anne Chaplin, une belle-mère mise à rude épreuve

Livre famille recomposée

Le titre de votre livre, « famille recomposée, l’envers du décor » annonce la couleur… L’image édulcorée et joyeuse que donnent les médias et le cinéma de la famille recomposée contribue-t-elle à accroître le mal-être du beau-parent de la « vraie » vie ?

Anne Chaplin – Il y a un énorme contraste entre l’image des joyeuses tribus que l’on voit dans les magazines ou dans les fictions télévisées, et le bourbier familial dans lequel on se trouve bien souvent enkysté en famille recomposée, avec des sentiments intenses et pas très beaux à voir. Difficile d’avoir de la légèreté face à toutes ces complexités ! Il n’y a qu’à faire un tour sur les forums ou les groupes de paroles pour beaux-parents pour comprendre que le quotidien de ces familles est en général tout sauf léger. Et là on ne comprend pas : on nous avait pourtant promis la joie et le bonheur, pourquoi reçoit-on cette glue à la place ? Il était temps de casser le mythe, pour que les acteurs de ces familles se sentent moins schizophrènes.

Vous dédiez votre livre aux belles-mères et beaux-pères, ces « héros de notre époque ». La famille recomposée est-elle une aventure ou un combat ?

A.C. – Les 2, c’est sûr. Les dix années que je viens de traverser en famille recomposée ont constitué l’épreuve la plus dure de ma vie ! Quand on pense que les enfants se sont habitués à nous après plusieurs années et qu’on va enfin manger notre pain blanc, on se prend leur adolescence en pleine figure. Le beau-parent devient alors le bouc-émissaire idéal : les beaux-enfants lui font mal sans faire mal à papa ni à maman : pratique ! Mais bien sûr, on apprend, on évolue, on compose. C’est aussi une belle aventure humaine avec ses bons moments et une sacré dynamique (euh… dynamite ?). Nous avons parcouru un sacré chemin avec mon mari malgré vents et marées, et surtout malgré le fait que ses enfants auraient inconsciemment tellement faire exploser notre relation.

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Les contes pour enfants dans lesquels la belle-mère est souvent la méchante influenceraient-ils inconsciemment les enfants ?

A.C. – Pas sûr, car il y a de nos jours toute une littérature jeunesse qui met en scène des belles-mères ou des beaux-pères comme des êtres bienfaisants qui peuvent jouer un rôle d’écoute et de soutien envers les beaux-enfants. Par contre, ce qui peut grandement influencer les enfants, et pas qu’en bien, ce sont leurs parents. D’abord, celui qui n’est pas dans le foyer : si la mère est jalouse de la belle-mère (ou le père jaloux du beau-père, mais c’est moins fréquent), même inconsciemment, elle va transmettre son malaise à ses enfants qui, par loyauté, vont faire tout ce qu’ils peuvent pour pourrir la vie du beau-parent. Plus la belle-mère sera sympathique et concernée, plus elle se fera rejeter, car il planerait alors le soupçon qu’elle veuille se substituer à la mère. La belle-mère (ou le beau-père) s’épuise en gentillesses, toutes suivies de blessures narcissiques devant le rejet systématique des enfants. Mais l’autre ennemi inconscient du beau-parent peut aussi être son conjoint lui-même: s’il n’arrive pas à lui laisser de place face à ses enfants, s’il montre son désaccord dès qu’il veut s’exprime envers à eux, s’il ne le positionne pas comme un adulte qu’il faut respecter, quitte à  prendre un peu sur lui, le beau-parent n’aura aucune chance de trouver sa place.

Y a-t-il un âge où il est plus facile de se faire accepter par les enfants de l’autre ?

A.C. – La petite enfance est en général beaucoup plus favorable. Les enfants ont alors besoin d’affection et de soins, ils prennent souvent ceux qu’on leur donne, même si cela vient du beau-parent. Mes beaux-enfants étaient plutôt ouverts à mon égard jusqu’à leur adolescence, avant la descente aux enfers… Les filles adolescentes rentrent en rivalité avec la belle-mère et veulent leur père pour elles toute seules, c’est très dur à vivre pour toute le monde, et en particulier pour le mari qui se sent écartelé.

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Quels seraient vos conseils pour réussir sa famille recomposée quand on a des principes éducatifs différents ?

A.C. – Il faut se mettre autour de la table et s’accorder sur les règles à adopter, comme lorsqu’on créé une entreprise. Cela peut relever de la négociation, où un parent « lâche » sur un principe si tant est que l’autre montre aussi sa bonne volonté sur un autre. Une autre façon de faire serait de ne pas avoir les mêmes règles pour les enfants « de différents lits ». C’est ce qui nous est arrivé. A table, ma fille devait manger de tout alors que les enfants de mon mari ne mangeaient que ce qu’ils voulaient. Honnêtement c’est très difficile à vivre et à comprendre : ma fille trouvait cela « injuste », et moi je ne me sentais pas respectée car ses enfants ne mangeaient rien de ce que je préparais. Autre conseil judicieux (mais plus dur à appliquer) : ne pas aller trop vite, prendre son temps et garder de la souplesse et de l’humour. J’envisage d’ailleurs de monter une pratique pour familles qui veulent « recomposer », afin de les aider à mettre en place des règles de fonctionnement, un peu à la façon de « super belle-Nanny » !

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Vous parlez de votre point de vue de belle-mère, et de femme, fortement impliquée par nature dans la vie familiale. Pensez-vous qu’un beau-père ait autant de mal à trouver sa place en famille recomposée ?

A.C.. – Il y a de nombreux témoignages et études qui laissent à penser que les beaux-pères s’en sortent en général mieux que les belles-mères. Effectivement parce qu’ils sont moins interventionnistes, ils laissent plus faire la mère, et de ce fait, évitent les conflits. Et puis, la redoutable jalousie « belle-mère/belle-fille » ne connaît que rarement la même intensité dans son équivalent masculin. Les belles-filles apprécient d’ailleurs souvent l’attention qu’elles reçoivent de leurs beaux-pères. Il y a aussi une idée un peu vieillotte selon laquelle l’homme est venu « sauver » la mère qui était seule avec ses enfants, et qu’il assure financièrement une part conséquente des revenus du ménage. Alors que pour la belle-mère, la situation est inversée : ma belle-fille m’a souvent fait des réflexions qui laissaient entendre que je dépensais l’argent de son père. En l’occurrence, cela n’avait pas de réalité (je suis très soucieuse de mon indépendance financière), mais cela prouve que les clichés sont tenaces.

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Epouser votre conjoint a « officialisé » la situation pour vos beaux-enfants. Est-ce qu’avoir un enfant en commun aurait pu encore conforter votre place dans cette famille recomposée ?

A.C.. – Avoir un enfant commun en famille recomposée crée souvent de gros bouleversements sur le court-terme. Les enfants qui ne sont pas là tout le temps peuvent se sentir lésés qu’un autre enfant passe tout son temps avec leur parent. La belle-mère, quant à elle, peut aussi avoir envie de se recentrer uniquement sur le nouvel arrivé et avoir plus de mal avec ses beaux-enfants. Sur le long terme par contre, c’est en général très constructeur, l’enfant commun incarnant l’unité familiale.  Mais souvent, les familles qui sont déjà prises dans de grosses complexités relationnelles hésitent à en rajouter une de plus !

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 Vous dites que les beaux-parents sont des « sans-papiers » des familles recomposées. Le manque de reconnaissance officielle joue-t-il dans la difficulté à réussir sa famille recomposée ? 

A.C. – C’est une composante qu’on ne doit pas négliger. Il y a un vide intersidéral pour définir le rôle, les droits et les devoirs du beau-parent. Ainsi, dans l’imaginaire de chacun des acteurs de la famille, il est possible de se dire tout et son contraire : qu’il a un rôle important, ou à l’inverse qu’il n’a pas sa place, limite qu’il n’existe pas ! Pour les parents divorcés, l’enjeu de l’enfant est au centre de toutes les attentions, et ils n’ont souvent pas conscience que le beau-parent est bien là, lui aussi dans l’écosystème, et qu’il faut compter avec lui et ne pas le considérer comme un pot de fleur pour ensuite le réclamer uniquement quand ça arrange. Par ailleurs, le manque de reconnaissance sociale complique considérablement la vie du beau-parent lorsque son conjoint lui confie des démarches à faire pour ses enfants. Car pour la société aussi, il doit rester invisible. Tous les beaux-parents souffrent d’un manque criant de reconnaissance.

Vous évoquez un « contrat de beau-parent » en reconnaissance de leur implication dans la famille recomposée. Pourrait-on imaginer une « période d’essai » au bout de laquelle les beaux-parents auraient plus de droits ?

A.C. – C’est une idée intéressante ! Mais selon quels critères « passerait-il » brillamment la période d’essai pour être en « CDI de beau-parent » ? Et qui jugera de tout cela ? Ce qui est sûr, c’est que le « Contrat d’éducation parentale » instauré en 2014 pour les beaux-parents est une coquille vide, utilisé par personne. Car il nécessite l’autorisation du parent qui n’est pas dans le foyer, alors que celui-ci est souvent pétri de sentiments ambivalents envers le beau-parent et n’a aucune envie de lui donner un rôle qu’il considère souvent comme une menace pour lui ! 

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Pendant ces dix années de « guerre de tranchée », votre conjoint ne vous a guère épaulée. Et pourtant vous avez tenu le coup ! Pourquoi tant d’abnégation ? Beaucoup auraient jeté l’éponge…

A.C.– « Guerre de tranchée », le mot est un peu fort ! Je dirais plutôt que cela a été une mer houleuse, parfois tempêtueuse, avec des accalmies passagères.  Le plus dur pour moi n’a pas été l’attitude des enfants qui m’ont été hostiles à certaines période – pas tout le temps ! – mais effectivement l’absence de positionnement clair de mon mari par rapport à cette attitude. Je sais que lui, de son côté, se sentait perpétuellement tiraillé. Mais lorsque l’on a fait de gros efforts pendant des années, on se dit que ce serait dommage d’abandonner alors que les enfants grandissent et qu’on voit le bout du tunnel ! Plus le temps passe, plus l’investissement passé pèse lourd.  C’est sûrement un mauvais raisonnement d’ailleurs car les enfants sont toujours là, même adultes. Mais le quotidien est quand même plus léger.

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Et si c’était à refaire, que changeriez-vous dans votre manière de faire avec vos beaux-enfants, et avec votre conjoint ?

A.C. – J’adore vivre en famille et en couple. Mais franchement, je me demande s’il n’aurait pas mieux valu garder chacun son appartement, ses règles de vie avec ses propres enfants. En tout cas, avant d’emménager ensemble, je discuterais des moindres détails des règles de la vie de famille. Il est sûr aussi que je me serais moins impliquée avec mes beaux-enfants. Aujourd’hui je suis un peu amère d’avoir beaucoup donné pour un résultat aussi pauvre ! Aujourd’hui je pense que tout ça été une erreur de m’occuper autant d’eux. J’aurais dû penser avant tout à moi et à ma fille. Mais on est pétrie de bons sentiments et on ne peut pas savoir. 

Aujourd’hui, où en êtes-vous ? Heureuse et épanouie, enfin ?

A.C. – Le bonheur et l’épanouissement sont un long chemin, qui ne passe pas seulement par la famille, recomposée ou non ! A un moment donné, je me suis plus affirmée au sein de ma famille, cela a créé un petit cataclysme car l’écosystème n’était pas habitué, mais ça a été salutaire. J’ai énormément lâché sur mes beaux enfants et me concentre sur mon mari et ma fille. J’ai néanmoins une relation agréable avec mon beau-fils, et lorsque je vois ma belle-fille, je n’en attends rien du tout, ça aide. Tout est aussi une question de regard : j’essaye de voir le positif : le fait que nous nous aimons toujours avec mon mari, que les trois enfants aillent bien, c’est déjà un beau résultat vu les circonstances. La clé, c’est de ne rien attendre de plus !  

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  1. Je vis avec mon conjoint et sa fille qui est en garde alternée depuis bientôt 10 ans.Un calvaire voilà ce qu’est la vie d’une famille recomposée. Avec le recul je me dis que j’aurai jamais dû accepté qu’ils viennent vivre chez moi.Le seul moment où j’ai la paix c’est quand elle n’est pas là.
    C’est triste à dire mais j’arrive des fois à la détester. En tout cas une chose est sûre a présent je pense à moi et qu’il se débrouille avec son dictateur de fille.Fini les vacances en commun, les noels etc…
    Je jette l’éponge et surtout que l’on me demande rien du tout.
    Le seul conseil que je peux donner est chacun chez soi sera le mieux

  2. C’est exactement pareil pour les beau papa beaucoup trop d’efforts et d’épuisement pour pas voir aucune reconnaissance, et la mère qui est tout le temp menez par le bout du nez par ces enfants. Cela est vraiment pesant puis après plusieurs années on est lessivé complétement vide.. tout sà pour quoi ?

  3. Merci pour ce partage . Je suis perdue au bout de 9 ans de famille recomposée. Lasse de ces conflits de loyauté , lasse de devoir justifier sa place , lasse de ne pouvoir aimer simplement , lasse de voir le rejet de sa belle fille alors que plus petite tout allait bien , une complicité , un amour partagé …. et un papa qui cesse de me répéter que je suis jalouse . Je ne sais pas si v est de la jalousie , c est plutôt de la peur …. du dégoût , voir que papa est mené par le bout du nez , que finalement ces filles font ce qu elles veulent et moi , aucune autorité , aucune légitimité …. lassé de tout cela …. et mon fils au milieu, et le temps qui passe et ce deuil de n avoir pas pu avoir un enfant ensemble , souder notre famille , se sentir accepter , unie , solide ….. entière …..

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