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Reine mère, l’immigration sans clichés

Par Bénédicte Flye Sainte Marie - Mise à jour le

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Après le très remarqué Un divan à Tunis, qui avait remporté le Prix du Public à la Mostra de Venise, la réalisatrice Manele Labidi revient en salles le 12 mars avec Reine mère, avec Camélia Jordana. Un film qui dépeint avec humour, décalage et humanité, la bataille pour l’intégration d’un jeune couple tunisien dans les années 80.

Reine mère : l’histoire

Amel et Amor, qui se sont installés en France il y a un peu plus d’une décennie, apprennent à leur retour de vacances en Tunisie, qu’ils vont être obligés de quitter l’appartement minuscule qu’ils louent et partagent avec leurs deux enfants. Leur propriétaire a en effet décidé de le reprendre et d’en accorder la jouissance à son fils.

Le couple va alors multiplier les démarches afin d’obtenir un logement social dans sa ville. Mais tout ne sepasse pas exactement comme prévu. D’autant qu’Amel a des idées bien arrêtées sur l’endroit où elle veut (ou pas) vivre, habiter et scolariser ses filles. La date fatale se rapproche et ils ont la perspective de ne plus avoir de toit. De quoi exacerber les tensions entre eux…

Et comme s’ils n’avaient pas assez d’ennuis et de contrariétés, Mouna, leur ainée, commence à avoir des hallucinations. Un jour, après une leçon en classe où sa professeure de CM2 mentionne Charles Martel qui a « arrêté les Arabes à Poitiers », elle voit le fameux prince des Francs partout. D’abord terrorisée par ses apparitions, Mouna va faire de cet olibrius, sympathique mais pas très distingué, son ami imaginaire. Et excéder son père et surtout sa mère, qui a un caractère beaucoup plus pragmatique qu’elle, et qui n’a pas la patience de composer avec ce visiteur indésirable venu du passé…

A partir de quel âge ?

Reine mère est un film que l’on peut voir avec ses enfants dès 9-10 ans.

L’avis de MAFAMILLEZEN

Reine mère est un drôle d’objet cinématographique. Car le deuxième long-métrage de Manele Labidi ose le mélange entre la comédie, le fantastique, la film social et la chronique d’une histoire d’amour.

Il y a au centre du récit les combats que mènent avec cran Amor et Amel pour trouver leur place dans la société, et obtenir le respect et les droits qu’ils leur sont dus. Peut-être le versant le plus réussi de cet opus, car Manele Labidi veille à s’éloigner de tous les stéréotypes avec lesquels le cinéma s’est si souvent complu à représenter les immigrés. Ni victimes, ni fourmis banlieusardes, ni figés dans leurs valeurs, le couple forme un duo attachant et très moderne, où les sentiments ont le verbe haut. On s’adore, mais on se l’exprime à coup de petites piques bien acérées et de décibels qui grimpent.

Ils sont flamboyants comme l’est la personnalité d’Amel, fière d’elle, de ce qu’elle est et pas décidée à rester à la place qu’on lui assigne. Du genre à accepter un job de femme de ménage, mais à le faire en « oubliant » sa blouse et en talons, car sans eux, Amel ne serait pas Amel ! Un rôle qui colle à la peau de Camélia Jordana, son interprète, qui n’a jamais eu en tant qu’artiste l’habitude de lisser son discours et sa façon d’être ! Malgré son côté extravagant, ce personnage de « reine mère », comme l’indique le titre de ce film, n’en témoigne pas moins du sentiment de déclassement et de déracinement qu’on peut éprouver dans ce type de situation. Amel, qui a perdu le statut qu’elle avait en Tunisie, en a gardé une blessure.

La rencontre entre leur fille Mouna (excellente Rim Monfort) et Charles Martel, son antagoniste qui deviendra son allié (même s’il n’existe que dans sa tête) est une trouvaille assez géniale. Un peu à la manière de ce qui a été fait il y a cinq ans dans Jojo Rabbit, de Taika Waititi. C’est là aussi une manière d’évoquer, via l’humour, la difficulté qu’il peut y a avoir chez un enfant à définir son identité, à se situer entre le pays où il est né, la France, et l’héritage culturel et les repères qui lui viennent de sa famille. De mettre également les points sur les i historiquement concernant Charles Martel, ce guerrier mérovingien qui n’était même pas roi, et qui n’a rien à voir avec la figure nationaliste dont se prévalent certains partis extrêmes…

Le tout forme un cocktail assez insolite, parfois un peu désordonné ou bancal, mais qui est tout sauf désagréable. Reine mère, au cœur duquel chaque détail est esthétiquement réfléchi, est enfin très joli à regarder.

Reine mère
Réalisé par : Manele Labidi
Avec :
Camélia Jordana, Sofiane Zermani, Damien Bonnard
Genre :
Drame
Durée :
1h33
Sortie au cinéma :
le 12 mars 2025

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