Censés être des outils de communication, nos smartphones, ordinateurs et autres tablettes constituent pourtant souvent des entraves dans les rapports que l’on entretient avec ses enfants et son partenaire de vie. Quand les écrans impactent les relations parents-enfants ou les relations de couple, on parle de « technoférence ». De quoi s’agit-il exactement ? Quel impact sur les enfants et les relations familiales ? Explications.
La technoférence, qu’est-ce que c’est ?
En matière de relations humaines, les appareils numériques ont tendance à brouiller les ondes. L’utilisation très assidue que l’on en fait a tendance en effet à amoindrir l’attention que l’on accorde à nos proches, et notamment les relations parents-enfants. Cela porte un nom : la technoférence.
Conceptualisée il y a une décennie par le chercheur en psychologie américain Brandon Mc Daniel, elle englobe « les interruptions quotidiennes dans les interactions interpersonnelles ou dans le temps passé ensemble en raison des dispositifs technologiques, numériques et mobiles ». « Elles peuvent être observées lorsque le parent stoppe un échange en cours, par exemple pour répondre à un appel, vérifier les notifications d’emails tout en jouant avec un enfant, faire défiler les sites de médias sociaux ou répondre à un message tout en mangeant », détaille Sophie Arnaudeau, psychologue clinicienne et doctorante en psychologie du développement, qui consacre sa thèse à ce sujet.
Les moments typiques de la technoférence parentale
Pour notre experte, certaines phases de la journée sont particulièrement propices à la technoférence parentale. « Les activités les plus fréquemment associées à la technoférence seraient les repas, la routine du coucher, du matin et de la sieste, la technologie partagée avec l’enfant, le jeu, les voyages, les sorties ludiques et les tâches ménagères réalisées avec l’enfant », note Sophie Arnaudeau.
Or, il est avéré que ces parasitages digitaux sont particulièrement puissants puisqu’ils conduisent, selon les résultats d’une étude parue en 2019 dans la revue scientifique Sages Journal, à ignorer cinq fois plus les sollicitations de nos juniors qu’on ne le ferait si on écoutait de la musique, lisait un livre ou discutait avec une amie ! Une « absence-présence » qui peut générer chez eux une insécurité et des manques affectifs, et qui conduit aussi à ce qu’ils soient moins stimulés intellectuellement par les dialogues que l’on avec eux.
Le creuset d’émotions négatives chez les enfants
A force ne pas trouver suffisamment d’écoute parentale, les enfants peuvent aussi éprouver de la colère, voire de la détresse. Par ricochet, ils seront davantage susceptibles ensuite de s’emporter, de faire des caprices, et de témoigner une certaine intolérance à la frustration. « Si les enfants n’obtiennent aucune réponse ou une réponse faible à leurs tentatives de communication et à leurs besoins émotionnels, ils peuvent augmenter l’intensité de leur demande et adopter des comportements plus extrêmes pour atteindre l’attention du parent. Ont été décrits dans la littérature scientifique des cas récurrents de jeunes enfants faisant des bêtises, haussant la voix et manifestant des comportements plus impulsifs, alors que l’attention de leurs parents était concentrée sur un appareil mobile pendant les repas », développe Sophie Arnaudeau.
Créer des rituels pour limiter les possibilités de technoférence
Afin d’inverser la tendance, efforcez-vous, même en cas de dossier urgent à boucler ou de période professionnelle particulièrement chargée, de laisser votre portable en dehors de la pièce où vous passez vos moments en famille, notamment dans la cuisine pendant le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. S’il vous arrive de vous servir de votre téléphone en présence de vos enfants, expliquez-leur ce que vous êtes en train de faire (répondre à un collègue en leur précisant de qui il s’agit, lire un article intéressant, regarder une vidéo, etc…), afin qu’ils se sentent impliqués et non pas exclus. Désactivez toutes les notifications, visuelles et sonores, émanant de vos applis, afin de ne pas risquer d’être perpétuellement happé(e). Et le week-end, pourquoi ne pas décider de passer complétement en mode silencieux ?
Un code de bonne conduite qu’il est utile d’appliquer aussi dans le cadre de son couple : une enquête menée par Brandon Mc Daniel en tandem avec Sarah Coyne montre que les manifestations de technoférence augmentent les conflits de couple et les symptômes dépressifs, abaissent le niveau de satisfaction dans la relation amoureuse et dans le quotidien en général.
Moralité : pour s’épanouir avec ses enfants et son/sa conjoint(e), on veille à se donner moins d’occasions de scroller….
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