Intelligent dans sa construction, dérangeant et chargé en émotions, Le Règne animal, long-métrage de Thomas Cailley porté par Romain Duris et Paul Kircher, est un objet cinématographique aussi fort que rare, sur fond de lutte entre l’homme et l’animal. A voir en salles dès le 3 octobre.
Le Règne animal : l’histoire
Dans une époque qui pourrait être la nôtre, les habitants de l’Hexagone font face à un phénomène insolite : certains d’entre eux sont victimes d’une mutation qui les amène à se transformer d’abord partiellement, puis complètement, en animaux. C’est ce qui est arrivé à la femme de François et mère d’Emile, seize ans, qui se métamorphose petit à petit en une sorte d’ourse géante.
Effrayée par ces créatures qu’elle considère comme des monstres, la société les emprisonne entre les murs de résidences et de services hospitaliers spécialisés. Lorsque son épouse est transférée dans un centre fermé du Sud de la France, François décide de quitter Paris, de la suivre avec Emile et d’accepter un job de cuisinier dans un restaurant touristique, pour pouvoir continuer à lui rendre visite. Mais en chemin, le véhicule médical qui transportait ces patients très atypiques est victime d’un accident, qui permet à la plupart de ses passagers de s’échapper.
François va donc décider de partir à la recherche de celle qu’il continue à chérir envers et contre tout, même s’il doit pour cela braver certains interdits et basculer lui-même dans la marge. Dans le même temps, Emile va connaitre lui aussi une étrange évolution, à l’heure où il lui faut s’adapter à un nouvel environnement, un nouvel établissement scolaire et où son cœur commence à battre pour Nina, l’une de ses camarades de classe….
A partir de quel âge ?
Le Règne animal n’est pas conseillé avant quatorze-quinze ans. Certaines scènes peuvent être pénibles à supporter.
L’avis de MAFAMILLEZEN
Très imprégné par la fiction américaine, son esthétique, ses codes de narration et de mise en scène, Le Règne animal s’aventure dans des voies qui sont rarement empruntées par le septième art français, celles de la dystopie et du répertoire fantastique, et il faut déjà saluer le film pour cela. En résulte qu’il y a beaucoup d’ambition et de souffle dans cet opus créé par Thomas Cailley. Et il a beaucoup d’autres qualités.
S’il n’est pas parfait sous toutes les coutures, qu’il aurait notamment gagné à être un peu plus court et que tout le côté policier de ce long-métrage parait un peu faiblard par rapport au reste (dommage quand on sait qu’il est assumé par la talentueuse Adèle Exarchopoulos !), Le Règne animal n’en reste pas moins un film très percutant, en cela qu’il emmène les spectateurs vers une foule de questionnements d’ordre quasi-philosophique. Sommes-nous encore humains ou plus animaux que les animaux lorsque nous combattons aussi férocement et cruellement ce qui sort de la norme ? Pourquoi avons-nous si peur de la différence, alors que nous pourrions l’apprivoiser et cohabiter avec elle ? Pourquoi lui répond-t-on par de la haine et de l’intolérance ? Ce qui fait réfléchir par association d’idées à la perception que certains d’entre nous ont par exemple du handicap, de la maladie, physique ou mentale, ou des personnes migrantes. Fix, l’être-oiseau qu’on a amputé de son bec et qu’Emile va prendre sous son aile, est l’incarnation de cette brutalité.
Plus classiquement, dans notre ère de réchauffement climatique et de destruction à grande échelle de l’écosystème, il amène à se demander si c’est parce que nous n’avons cessé de le surexploiter et de le trahir que le monde du vivant en arrive à se retourner contre nous. Autant de réflexions qui hantent le spectateur longtemps après avoir vu ce Règne animal, qui est d’ailleurs présélectionné parmi sur les cinq films qui pourraient représenter la France aux Oscars, et dont on se dit qu’il pourrait être un bon ambassadeur !
Mais le plus bluffant dans ce long-métrage est certainement la prestation de Paul Kircher, acteur déjà vu dans Le lycéen de Christophe Honoré, qui a une présence magnétique à l’écran. Il interprète, sans jamais surjouer ou dérailler le glissement de son personnage, de l’ado indolent et autocentré à un jeune adulte d’un genre nouveau, dans tous les sens du terme, à l’intérieur duquel s’entremêlent la sauvagerie et l’altruisme. Les rapports entre François et Emilie, un peu dogmatiques d’un côté, fermés de l’autre, au départ, se modifient aussi petit à petit pour aboutir à une relation où l’amour prime sur toutes les considérations et ce n’est certainement pas la moindre des beautés de ce film.
Le règne animal
Réalisé par : Thomas Cailley
Avec : Romain Duris, Paul Kircher et Adèle Exarchopoulos
Genre : Drame, Aventure, Fantastique
Durée : 2h08
Sortie au cinéma : le 4 octobre 2023
A partir de 14 ans
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