Comment parler de la sclérose en plaques aux enfants quand l’un des parents ou une personne de son entourage est atteint de cette maladie handicapante et incurable ? Nous avons rencontré Gabrielle de Livron, jeune maman atteinte de la SEP, qui aborde la maladie dans un livre destiné aux plus jeunes, « La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis », chez Hygée Editions.
Avoir un livre adapté aux plus jeunes comme support permet de dédramatiser et d’annoncer la maladie en douceur. Le livre est un média pertinent pour lancer une discussion avec eux sans être dans le pathos.
La sclérose en plaques c’est quoi ?
La sclérose en plaques est une maladie inflammatoire du système nerveux central. Elle existe sous deux formes : la forme rémittente par poussée ou la forme progressive, la première étant la plus courante. À chaque « poussée », le cerveau, la moelle épinière ou les nerfs optiques, peuvent être touchés par une inflammation qui déclenche différents symptômes : perte de l’équilibre, difficulté de vision, fourmillements ou sensations de brulure permanentes sur une partie du corps, fatigue, difficulté de concentration, etc. La majorité des patients présentent leurs premiers symptômes entre 25 et 35 ans, avec une proportion de femmes élevée (3 femmes pour un homme).
La SEP, pour sclérose en plaques, est la 2e cause de handicap acquis chez l’adulte jeune après les traumatismes. Elle touche aujourd’hui 100 000 personnes en France avec 3 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année.
Bon à savoir : il n’existe pas de traitement permettant de guérir de la SEP. Les thérapies proposées aux malades ont pour objectif de diminuer la réaction inflammatoire, et donc de ralentir l’évolution du handicap.
Un album jeunesse pour parler de la sclérose en plaques : « La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis »
Avec cet ouvrage préfacé par Cécile Hernandez, championne paralympique de snowboard et médaillée d’or aux JO 2022, Gabrielle de Livron, elle-même atteinte de la sclérose en plaques depuis 10 ans, a voulu expliquer à ses enfants ce qu’elle avait, tout en transformant sa vie en histoires merveilleuses, rigolotes autant que possible !
« La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis » est un album jeunesse bienvenu pour accompagner les parents dans l’annonce du diagnostic de la sclérose en plaques à leurs enfants. L’autrice, Gabrielle de Livron partage dans ce livre pour enfant son parcours de vie de jeune maman : elle y raconte les premiers signes de la maladie, et entend aider les plus jeunes à mieux comprendre le quotidien de leurs parents malades.
L’univers du conte pour enfants pour dédramatiser la maladie
Avec la sclérose en plaques, chaque cas est unique, et suivant les lésions causées par une inflammation, c’est la motricité, la vue, l’équilibre, la mémoire, etc, qui sont touchés. Dans son livre « La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis« , Gabrielle de Liron présente avec justesse une poussée touchant à l’équilibre et à la marche. D’abord quelques symptômes anodins (« on se prend les pieds dans le tapis… »), et puis la difficulté qui s’installe amenant à se poser la question : « que m’arrive-t-il ? ». L’autrice a choisi de décliner l’univers de la princesse et du prince comme métaphore enfantine. Le neurologue est présenté comme un magicien avec des potions, secondé par deux kinésithérapeutes pour améliorer le quotidien de la maman.
L’histoire se poursuit par l’échange entre un enfant et une épidémiologiste, sous forme de questions/réponses. Un complément bienvenue pour apporter un éclairage médical sur la sclérose en plaques et les travaux de recherche en cours.
Mon avis de maman intimement concernée par la SEP
Il se trouve que mon conjoint est atteint de la sclérose en plaques depuis une quinzaine d’années. Notre fille aînée avait 2 ans, et notre fils allait naître 2 ans plus tard. L’annonce du diagnostic a été un coup rude à digérer, mais n’a pas stoppé notre envie d’une vie de famille. La sclérose en plaque « s’invite » dans le quotidien de mon mari de façon inopinée et sans prévenir (les fameuses « poussées » qui laissent au fil du temps les symptômes s’installer durablement, comme la difficulté à marcher)… et donc dans le quotidien de la famille. Dès qu’ils le souhaitent, les enfants (devenus aujourd’hui des ados) nous interrogent sur la maladie et ses symptômes, même après des années à vivre avec.
Le livre « La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis » de Gabrielle de Livron aurait été un outil formidable pour en parler avec eux quand ils étaient plus jeunes. J’ai apprécié dans cet album jeunesse le partage de ce parcours de vie, et la douceur des illustrations. Je recommande cet ouvrage aux parents dont l’un vit avec la sclérose en plaques, en mettant toutefois une réserve sur l’aspect « potion magique », en ces temps où la médecine est remise en doute par certains. Les questions-réponses avec l’épidémiologiste sont top. L’album conjugue la douceur de l’album jeunesse et le côté pédagogique du livre documentaire, permettant d’ouvrir le dialogue avec son enfant avec plus de facilité.
La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis, Gabrielle de Livron (autrice), Marguerite de Livron (illustratrice), Emmanuelle Leray Cécile Hernandez (Préface), chez Hygée Éditions, 12 euros – Commander sur la Fnac ou Amazon.
A partir de 5 ans
Lire aussi : Vivre avec un parent malade : comment en parler avec son enfant ?
Rencontre avec Gabrielle de Livron
Gabrielle de Livron a accepté de répondre à quelques questions sur son premier livre jeunesse, « La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis« , chez Hygée Editions.
Comment avez-vous annoncé à vos enfants et à vos proches que vous étiez atteinte de la sclérose en plaques ?
J’avais très vite raconté à mes proches que j’avais des petits symptômes qui me gênaient au quotidien. Ce sont d’ailleurs mes parents qui m’avaient encouragée à voir un autre médecin généraliste que celui qui me disait que c’était psychologique… Celui-ci m’a bien écoutée et m’a tout de suite envoyée faire une IRM cérébrale. J’étais à la fois soulagée d’être prise au sérieux, et inquiète de ce que pourraient être les résultats. Là encore, je partageais toutes les avancées du diagnostic avec mes proches. Ça donne de l’énergie de se sentir entourée, même si parfois ce sont eux les plus inquiets. Et puis le verdict tombe. Et en fait, on ne sait pas très bien quoi en penser, car ça aurait pu être pire. Et puis finalement, on ne sait pas du tout comment cette maladie peut évoluer. A cette époque j’attendais notre deuxième enfant, et ma première fille n’avait pas encore 2 ans. Alors pour lui expliquer ce qu’était la sclérose en plaques, on a été un peu démunis. On a essayé avec nos mots, et on nous a conseillés de nous faire aider. Nous avons donc emmené notre fille faire quelques séances avec mon mari et moi chez une pédo-psy, afin d’être sûrs qu’elle comprenne bien ce qui se passait.
Quel a été le déclic qui vous a donné envie de parler de votre expérience de la SEP à travers un album jeunesse ?
Déjà mon vécu et la difficulté pour trouver les bons mots pour parler de la sclérose en plaques aux enfants. Ajoutons à cela mon amour pour la lecture, qui s’était vite élargi à celui de raconter des histoires à mes enfants. Et enfin le goût que j’avais pour dessiner (j’ai fait une école d’art), goût qui s’est transmis familialement puisque ma petite sœur Marguerite a brillamment repris le flambeau. Tous les ingrédients étaient là.
Vous ancrez votre histoire dans l’univers d’une princesse pour parler de la maladie. Pourquoi ce choix ?
Déformation professionnelle… Parmi les nombreuses histoires que nous racontions à nos filles, c’était celles qui mettaient en scène des princesses qui remportaient le plus vif succès. Et c’est vite devenu princesse par-ci princesse par-là à la maison. Alors le choix de la princesse s’est presque imposé, mais avec une touche de modernisme, et surtout en l’ancrant dans une vie quotidienne qui peut être celle de toutes les mamans.
Vous évoquez le symptôme de la marche, le plus visible dans cette maladie. Comment parlez-vous des autres symptômes qui vous touchent à vos enfants (la fatigue notamment) ?
Le plus difficile, c’est de savoir quand en parler. Il y a beaucoup de symptômes différents avec la sclérose en plaques, mais ils n’évoluent pas tous de la même manière. En parler quand ce n’est encore qu’une petite gêne, ça peut être trop tôt, car la différence n’est pas flagrante. Mais ça s’installe petit à petit et on oublie que cette petite gêne devient visible. C’est souvent un ‘’ mais c’est parce que Maman, elle est malade ! ’’, qui me fait prendre conscience qu’il est bien temps de parler de ce symptôme. Et pour ça, j’ai plein d’autres petites histoires en stock !
À quand une série complète déclinant différentes thématiques autour de la sclérose en plaques expliqués aux enfants…ou aux adultes ?
Pour les enfants, je suis prête ! Mais je ne suis pas seule…
La princesse qui se prenait les pieds dans tous les tapis, Gabrielle de Livron (autrice), Marguerite de Livron (illustratrice), Emmanuelle Leray Cécile Hernandez (Préface), chez Hygée Éditions, 12 euros – Commander sur la Fnac ou Amazon.
A partir de 5 ans
Pour vous documenter sur la sclérose en plaques :
– Site de l’Institut du Cerveau
– Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques
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