Antoine Carpentier, le skipper de Redman, triple vainqueur de la Transat Jacques-Vabre et du Tour de France à la voile, père dans la vie de Tao, douze ans et Ana, huit ans, s’apprête à prendre le départ le 6 novembre de la mythique Route du Rhum. Il se confie sur sa vie de famille atypique.
Antoine Carpentier, est-ce qu’avoir des enfants quand on est navigateur, c’est savoir qu’on privilégiera la qualité du temps passé avec eux à la quantité ?
Antoine Carpentier : Oui, on l’intègre forcément, sachant qu’on est absent environ une centaine de jours par an et qu’automatiquement, on les verra moins que si on était employé de banque. Alors, on n’a pas envie d’être uniquement le père qui réprimande mais on fait en sorte malgré tout de garder son rôle éducatif.
Quand vous êtes présent à leurs côtés, quels sont les rituels auxquels vous ne dérogeriez pour rien au monde ?
Nos moments privilégiés, c’est souvent d’aller faire du vélo, de se promener en forêt et d’aller se baigner. On essaie par ailleurs de s’offrir une croisière en famille tous les ans. Quand je suis là, j’essaie aussi de les amener et d’aller les rechercher à l’école.
Photos : Marine Laurent-Carpentier
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Quel genre d’éducation Marine et vous estimez-vous donner à vos enfants ?
Entre ce qu’on tente de faire et ce qu’on arrive à faire, il peut y avoir une certaine marge ! Mais ce à quoi nous sommes attachés, c’est aux valeurs de respect des personnes et de la planète. Et également à leur dire que ce n’est qu’en faisant les choses et en persévérant qu’on parvient à atteindre ses objectifs. A toutes les époques, comme aujourd’hui avec les influenceurs, il y a eu des gens qui ont réussi à se faire de l’argent facilement et rapidement. Mais ce n’est pas le cas dans la voile. Nous ne sommes pas des pilotes de Formule 1, on vit assez humblement. Alors, on leur apprend justement qu’il n’y a pas de recette-miracle
Qu’est-ce que vous avez pris ou laissé par rapport à celle que vous avez reçue de vos parents ?
Ce qui m’importe beaucoup, comme eux, c’est la politesse. Et par rapport à l’éducation que m’a donnée ma mère, je ne vois pas bien ce que je pourrais rejeter car elle s’est énormément occupée de moi alors que mon père passait de longs mois en mer. Je suis parfois moins en phase avec lui, notamment en matière de relations humaines.
Vous avez un garçon et une fille. Etes-vous attentif à combattre les stéréotypes de genre dans ce que vous leur transmettez, dans les échanges que vous avez avec eux ?
Oui, nous sommes plutôt sur des discussions ouvertes. D’ailleurs, chacun leur tour, ils ont voulu être pompier et vétérinaire. Et ils disent tous les deux qu’ils veulent faire de la voile mais ils préfèrent pêcher que de s’occuper du bateau. Et même s’ils sont passionnés, ils ne sont pas prêts non plus pour l’instant à y consacrer tous leurs mercredis après-midi !
Sentez-vous malgré tout qu’ils pourraient un jour embrasser la même vocation que vous ?
Ils voient bien qu’on n’a pas une maison de 200 mètres carrés et qu’on n’est pas hyper à l’aise financièrement, donc je ne pense pas pour l’instant qu’ils soient décidés à en faire leur métier…
Comment communiquez-vous avec Tao et Ana lorsque vous êtes en mer ? Utilisez-vous FaceTime ?
Non, parce qu’on est très limité en termes de données et que cela coûte très cher. On correspond donc par mail et téléphone. Ce ne sont pas des conversations très longues mais ils ont besoin de me dire qu’ils pensent à moi et moi, que je pense à eux. Ceci-dit, heureusement qu’on a aujourd’hui ces technologies. Il y a vingt-cinq ans, on n’avait rien de tout cela. On ne pouvait se donner des nouvelles que quand on accostait et qu’on trouvait une cabine téléphonique. Je suis né en 1975, trois semaines avant le terme, et mon père ne l’a appris qu’une fois débarqué en Sardaigne. Les papas n’assistaient pas à la naissance à l’époque, c’était la normalité et certains ne le font toujours pas aujourd’hui ! Moi, j’avais mis la priorité là-dessus et je tenais absolument à être présent lors des deux accouchements.
En pratique :
La Route du Rhum démarre le 6 novembre 2022 à 13h02 depuis Saint-Malo, et sera diffusée sur France 3 et sur la chaine L’Equipe, qui prendra l’antenne dès 8h du matin. Antoine Carpentier et son Redman soutiennent la Fondation Le Refuge qui héberge et accompagne les jeunes LGBT rejetés par leurs parents.
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