Elle s’affiche partout. Pourtant, les études convergent pour montrer que les adolescents et jeunes adultes manifestent un désintérêt grandissant pour la sexualité. Et ils n’adhérent plus vraiment non plus au sacro-saint idéal du couple. Décryptage.
Des médias à la publicité en passant par les réseaux sociaux, certains textes de chansons et émissions télé, tout nous rappelle que nous vivons dans un monde hyper-érotisé. Si ce n’est pas anodin, parce que cela peut biaiser la façon qu’ont les jeunes de percevoir leur corps et de l’exposer, cette hyper sexualisation ne met pas pour autant les relations sexuelles au centre de leur vie. Actuellement, les chiffres montrent précisément le contraire. Bien qu’ils n’aient généralement aucun problème à parler de tout ce qui relève de cette sphère (85% d’entre eux, dixit une enquête du site Desculottées, considèrent que le sexe est un « sujet hautement important »), et ont beaucoup plus de facilité à revendiquer leurs orientations sexuelles que leurs ainés, ils ne les pratiquent pas assidûment. Et peuvent connaitre des longues périodes d’abstinence volontaires. Selon une enquête IFOP-Sidaction publiée en février 2022, 43 % des 15-24 ans n’ont, en France, eu aucun rapport sexuel en 2021 et 44 % n’ont eu qu’un seul et unique partenaire durant cette période ; une courbe qui évolue nettement vers le haut depuis 2014. Un désengagement que l’on rencontre à l’identique dans d’autres pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et qui porte même un nom outre-Atlantique, la sex recession ou « récession sexuelle »
Sexualité des jeunes : glissement des mœurs amoureuses
On aurait tort d’attribuer ce phénomène au retour d’une forme de puritanisme, à un quelconque parti-pris idéologique qui les obligerait à la chasteté ou même aux effets collatéraux des confinements (même si ça l’a accentué) : si les jeunes ne font pas ou moins l’amour, c’est tout simplement parce qu’ils investissent leur attention et leur énergie ailleurs. Sachant que la longue période de pandémie a fragilisé leur santé mentale, beaucoup préfèrent se concentrer sur leur équilibre personnel.
Et c’est également une manière pour eux de s’ériger contre les diktats d’une société qui érige la performance comme norme dans tous les domaines, y compris dans la sphère intime, et dans laquelle ils ne se reconnaissent pas forcément. Le mythe du Don Juan a vécu, il ne s’agit plus de collectionner les conquêtes comme on accumulerait les médailles dans une vitrine, mais d’en profiter davantage, de faire mieux l’amour, sans les carcans qui ont emprisonné les générations précédentes sur le nombre de rapports sexuels auquel il faudrait s’adonner pour qu’une relation amoureuse « fonctionne », l’obligation de se définir forcément hétérosexuel OU homosexuel, le corps qu’on est censé arborer pour susciter le désir, l’impératif de l’orgasme, etc…
Nos ados et le sexe : entre jouir et binger, il faut choisir
Même si c’est plus marginal, cette baisse de libido généralisée va aussi chercher ses racines dans l’hyper connexion constante et l’omniprésence des écrans. A quoi bon se fatiguer à échanger ses fluides quand on peut regarder tranquillement sur Netflix et consorts la nouvelle saison de notre série préférée ? En 2019, une enquête réalisée par l’institut SurveyMonkey montrait déjà, que sur les six derniers mois, 36% des 18-38 ans disent avoir opté pour la télévision en streaming plutôt que pour le sexe. Une situation encore renforcée par le fait que cette génération est très consommatrice de ces plateformes de streaming.
Mais si le sexe n’est pas un jalon absolu, un but en soi pour eux, le couple traditionnel n’est pas grand vecteur de rêve non plus. Car ces enfants du divorce ont vu les unions, voire les secondes unions de leurs pères et mères se déliter, et ne fantasment pas forcément sur le fait de se caser. Ou alors en créant leur propre modèle, très différent de celui de leurs parents : on peut être ensemble sans que ce « statut » soit gravé dans le marbre et, plus tard, sans forcément habiter sous le même toit. Il n’est pas rare, d’ailleurs, que les jeunes préfèrent un célibat heureux, riche de beaucoup d’accomplissements et centré sur leurs engagements militants et leur future vie professionnelle, dont ils souhaitent qu’elle soit porteuse de sens, et pas seulement rémunératrice. Avant l’amour tout court, leur quête principale est donc de trouver l’amour de soi !
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