Evoquant sans manichéisme la condition des femmes dans l’Afghanistan des années 2000-2010, le film d’animation Ma famille afghane, de la réalisatrice Michaela Pavlatova émeut et impressionne. A voir au cinéma dès le 27 avril.
Ma famille afghane : l’histoire du film
Héléna, qui est tchèque, tombe amoureuse de Nazir, un jeune Afghan qu’elle a rencontré à Prague sur les bancs de sa faculté d’économie. Parce qu’il est l’homme de sa vie, elle accepte de quitter son pays et d’aller vivre dans le sien. Aux côtés des parents de Nazir, de sa sœur Freshta, de son beau-frère Kaiz, et de leur famille qui ne cesse de s’agrandir, avec leur ainée Roshangol puis leurs trois petits garçons, Rustam, Kamaal et Junus. Héléna consent par la même occasion à changer de prénom, devenant Herra. Et à porter la burqa. Herra et Nazir souhaitent eux aussi devenir parents, mais les mois passent sans qu’ils ne réussissent à avoir d’enfant.
A Kaboul, Herra découvre par ailleurs une société prise en étau entre les traditions et l’influence étrangère, avec la présence sur place des forces de l’OTAN et des troupes américaines. Et petit à petit, bien que son beau-père, sous le toit duquel elle habite, soit un progressiste et un pacifiste, elle voit les mœurs, déjà assez rigoristes à l’égard des femmes, se durcir encore. Elles n’ont par exemple pas le droit de se montrer, et encore moins de participer aux discussions lorsque des invités sont présents au sein de la maison. La volonté de Herra de reprendre un travail va ainsi se heurter à l’hostilité de tous, excepté de son mari.
Mais si le joug masculin est pesant pour la jeune femme, il est plus cruel encore pour la nièce de son mari, Roshangol. Enjouée, curieuse d’apprendre et ravie d’aller à l’école, elle voit sa situation changer du tout au tout à partir du moment où elle a ses règles. Son père Kaiz décide alors de la marier à un homme qui a quarante ans de plus qu’elle, ce qu’elle refuse. Herra et Roshangol vont alors commencer à marcher au bord du précipice. Alors que les drames se profilent, la seule lumière dans leur foyer est l’arrivée auprès d’Herra et Nazir de Muhammad, dit Maad, un garçon intelligent et malicieux qui a été rejeté par les siens à cause de son handicap…
A partir de quel âge ?
Ma famille afghane n’est pas conseillé avant 13 ou 14 ans. Les réalités décrites sont très âpres.
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L’avis de MAFAMILLEZEN
Gratifié du Prix du Jury au Festival du film d’animation d’Annecy l’an dernier, le superbe Ma famille afghane est un long-métrage à la fois touchant et déstabilisant. D’abord parce que le côté simple, coloré et naïf du graphisme, et parfois l’humour qu’il distille, viennent s’entrechoquer avec la brutalité du récit et des événements qu’il dépeint. Ensuite, parce qu’il évite toute binarité dans la manière de relater les choses. Il n’y pas d’un coté les gentils Occidentaux, de l’autre les méchants réactionnaires, même dans l’approche qu’il a des personnages les plus antipathiques comme Kaiz.
Ce film d’animation offre aussi un aperçu assez fidèle du statut paradoxal des femmes après 2001. Si certaines femmes ont accédé à cette période à des fonctions officielles, notamment en politique, beaucoup d’autres ont continué à être complètement muselées dans leurs libertés fondamentales. A être exposées à des violences conjugales voire persécutées, sous l’influence des talibans, dessaisis du pouvoir mais toujours très organisés et influents en Afghanistan.
Malgré cette toile de fond dramatique, Ma famille afghane fait la part belle à l’intime et à la tendresse de certaines relations affectives ou amoureuses. On ne peut ainsi que s’attendrir pour le couple que forment Nazir et Herra, et devant la force de ce qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Malgré leurs divergences, ce qui les éloigne et les oppose, et la lourde chape patriarcale qui pèse sur eux, les sentiments qui les lient leur permettent de toujours se retrouver et se réconcilier
Ma famille afghane trouve enfin une résonnance avec l’actualité, non seulement avec qui se passe dans l’actuel Afghanistan, une à deux décennies après l’époque où se déroule le film : depuis août 2021, les filles y sont privées de la possibilité d’aller à l’école à partir de 13 ans . Mais cette fiction offre également un écho avec la guerre qui se joue entre la Russie et l’Ukraine. Car il montre qu’il n’y pas qu’une seule façon de lutter et de résister. Selon les situations, le courage peut se trouver dans le fait de partir ou de rester…
Ma famille afghane
Réalisé par : Michaela Pavlatova
Avec les voix de : Eliska Balzerova, Hynek Cermák et Berenika Kohoutová
Genre : Animation
Durée : 1h20
Sortie au cinéma : le 27 avril 2022
Dès 13 ans
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