Ce n’est pas une matière comme les autres : à la fois mal aimée et considérée comme essentielle dans la scolarité, elle mène aux voies d’excellence mais suscite beaucoup d’appréhension, voire d’aversion ! Et pourtant… si on s’y prend bien, et tôt, on peut transmettre le goût des maths : parole de spécialistes !
« Quand je dis aux personnes, rencontrées dans des contextes divers et variés, que j’enseigne les mathématiques, j’ai presque toujours une réaction très marquée, en général négative », confesse Agnès Rigny, créatrice des formations Maths Sans Stress*, qui s’adressent aux enfants mais aussi aux parents. « Combien se disent « hermétiques » à tout ce qui touche de près ou de loin à cette science pourtant fondamentale ? Les blocages viennent souvent d’un manque de relations humaines entre un professeur et son élève, mais aussi et surtout d’un problème de représentation mentale », estime-t-elle.
Même analyse chez Maryse Collignon, orthophoniste spécialisée en rééducation logico-mathématique : « Pouvoir jongler avec les notions mathématiques demande une capacité d’abstraction importante, et c’est ce qui décourage souvent les enfants vis-à-vis des maths : cela peut leur sembler insurmontable. Ils se persuadent qu’ils sont nuls et n’y arriveront jamais… alors que l’explication est purement physiologique : leur cerveau, en plein développement, n’est pas encore arrivé à cette étape ! » Alors, comment les y mener en douceur ?
1- Dédramatiser : ramenons les maths… à leurs justes proportions !
A force d’en faire un critère de sélection, on a rendu cette matière encore plus terrifiante : ainsi, selon un sondage récent, plus de la moitié des13/18 ans déclare en avoir peur !** Résultat : la France s’est classée avant-dernière au classement TIMSS 2019, qui évalue le niveau en mathématiques des élèves du primaire au collège dans l’ensemble des pays de l’OCDE.
« Être « nul en maths », dans la tête d’un élève, c’est être nul tout court. Souvent les élèves trouvent que les mathématiques ne servent à rien, font souffrir et empêchent la réussite scolaire», résume Agnès Rigny. «Et l’on se retrouve face à un grand nombre d’élèves, tout à fait intelligents, aptes à réfléchir, analyser, démontrer, capables d’abstraction, et qui se retrouvent totalement bloqués face à un exercice de mathématiques, dans l’incapacité d’élaborer le moindre raisonnement ».
Bref, on s’en fait tout un monde, peut-être parce qu’on leur donne une place démesurée : rappelons à nos enfants que c’est une matière comme les autres, qu’on peut apprendre à maîtriser avec un peu d’entraînement. «Tout le monde peut apprendre les maths, ça peut même devenir un jeu quand on ne se presse pas, qu’on déroule une démonstration cohérente et qu’on lève la pression», assure Younss Messoudi, prof de maths depuis 25 ans. « Les recherches récentes en neurosciences, en particulier celles de Stanislas Dehaene, mettent en évidence qu’à quelques heures à peine, les bébés humains ont une notion précise des nombres 1,2,3, des formes géométriques et même des probabilités ! En conséquence, tout le monde peut réussir en mathématiques », renchérit de son côté Agnès Rigny. « Certains ont plus de facilités que d’autres, mais comme en sport ou en musique, le travail et les efforts sont beaucoup plus importants que le talent ! » Reste à en convaincre vos enfants !
2- Intéresser… Les chiffres, ça compte au quotidien !
« Une solution simple pour casser cette peur est de leur expliquer l’intérêt des maths » , estime Younss Messoudi, qui a fondé la plate-forme d’apprentissage Jai20enmaths.com***, basée sur ce principe. « Redonner du sens à ce qu’ils font est très important pour cette génération. Savoir, par exemple, que les réseaux sociaux qu’ils utilisent tous les jours sont des algorithmes… donc des mathématiques… cela les intéresse toujours beaucoup ! »
Un tiers des parents pensent que l’intérêt de cette matière, c’est avant tout… qu’elle représente un sésame pour de meilleures études** ! Oui mais… ce n’est pas cet atout qu’il faut mettre en avant si on veut réellement intéresser les enfants aux maths ! Le discours à tenir, selon Agnès Rigny, est plutôt celui-ci : « Faire des mathématiques déjà te relie aux autres humains, te permet d’avoir une meilleure compréhension du monde et de toi-même, t’apprend à raisonner, à justifier et à être rigoureux. Cela te donne le sens critique et t’enseigne à ne pas accepter les choses telles quelles, par un argument d’autorité, mais à demander des raisons, et à les rejeter ou les améliorer si elles ne sont pas justes. Faire des mathématiques t’apprend aussi à observer, à aller à l’essentiel, développe ta confiance, car faire des exercices et les réussir joue un rôle important dans l’estime de soi. Les maths développent les capacités d’abstraction et aident à concevoir des choses qui n’existent pas, comme l’infini… Ils sont également un langage universel. »
Et au quotidien, pour démontrer très concrètement l’intérêt des maths… il faut les appliquer à ce qui nous entoure : beaucoup d’activités exigent de calculer, alors si on sortait nos enfants des écrans pour les amener à bricoler, coudre, cuisiner avec nous ?
Lire aussi : Faire aimer les maths aux enfants en apprenant autrement
3- Manipuler : les maths ne sont plus un problème !
« La manipulation, ça permet de sortir les maths de l’abstraction et d’en faire un jeu, c’est idéal pour réintégrer les maths dans la vie quotidienne… mais aujourd’hui, les enfants ne manipulent plus grand-chose », déplore l’orthophoniste Maryse Collignon. Pour les détourner des écrans, rien ne vaut selon elle… le maniement des casseroles : “ La cuisine est un merveilleux terrain d’expérimentation, une manière ludique de rendre concrets ces apprentissages redoutés : règle de trois, pesées, capacités, fractions, durées…”, explique-t-elle. Avec la pâtissière Valériane Gréban, elle vient de publier « Les maths en douceurs » (voir notre sélection « les maths en s’amusant ») reprenant le principe de leur premier livre à succès auprès des 6-12 ans (le premier s’appelle comme le second, les maths en douceurs, ndlr !). Les vingt recettes proposées sont associées à de petites activités pédagogiques, cette fois pour les 3-6 ans. « Pour eux, nous axons les activités sur les prérequis et la logique nécessaire au développement mathématique : dénombrement, classification, comptage, conservation de la masse… » Avec un savoureux résultat : « Quoi de mieux que la gourmandise pour apprendre à aimer les maths ? »
Réintroduire la notion de plaisir dans le champ aride des chiffres, calculs et notions algébriques, ça peut certes passer par le palais… mais aussi par les jeux. Qu’ils soient de société (Mille Bornes, Uno, Triominos, Master Mind, etc) ou qu’on y joue tout seul devant un écran ou un cahier… ils sont nombreux à faire appel à la déduction, aux calculs ou aux combinaisons logiques ! « On résout des énigmes, on découvre des paradoxes… Il y a pas mal de jeux autour des nombres ou des formes, ou des combinaisons. Les Sudoku par exemple, ou les jeux Puissance 4, Rubik’s cube ou Taquin. Le jeu vidéo 2048 qui a été en vogue récemment en est un autre exemple », conseille Agnès Rigny.
4- Revenir aux bases : on reprend ses additions !
« La peur est aussi une résultante des lacunes accumulées par l’élève au cours des années et qui finissent par le tétaniser », explique Younss Messoudi. Aussi faut-il être attentif à ne pas laisser s’accumuler les retards qui engendreront ce sentiment d’insécurité… et finiront par ne plus se laisser combler. Diverses méthodes ludiques, comme celle des Abaques ou celle des cartes mentales (voir notre sélection) permettent dès six ou sept ans, d’acquérir, éclaircir et conforter les notions essentielles ; et on peut s’y remettre à tout âge ! Ainsi, Agnès Rigny développe, à l’intention d’ados ou adultes qui semblent définitivement fâchés avec les maths, sa propre méthode ludique : dans son récent livre « Faire des maths sans stress et avec plaisir » (Eyrolles, voir notre sélection) elle utilise les « cartes mentales » pour assurer les bonnes bases. « Les maths, c’est comme une maison: sans bases solides, pas d’étages possibles ! La maison n’est pas solide si les bases ne sont pas solides.»
5- Reprendre confiance : on compte… sur soi-même !
Qu’on s’y prenne en jouant, en cuisinant, en bricolant… la clé, c’est la réussite, qui redonne des ailes aux petits traumatisés des maths ! « Nous apprécions tous être mis en valeur par nos réussites, il en va de même pour l’enfant », fait remarquer Maryse Collignon. Si elle emploie les douceurs de la cuisine et de la pâtisserie pour mieux faire ingérer cette matière trop souvent amère, c’est aussi parce que ces activités apportent une immédiate satisfaction… gustative, mais pas que ! « C’est un défi à relever, à la portée même des plus petits… et ils sont très fiers d’y parvenir puis de déguster leur réussite, en famille. Quoi de mieux que la gourmandise pour redonner le goût des maths ? » Surtout quand cette dernière amène à croire en soi-même : c’est la clé du succès, en maths comme dans les autres matières !
* Mathssansstress.fr ; qui propose également des formations « Donnez le goût des maths à vos enfants ». Cours en cinq étapes d’une heure, 40 euros les 5 heures avec accès illimité au replay.
** Enquête réalisée par le site Jai20enmaths.com, auprès de 1060 personnes, en Juillet 2021
***Jai20enmaths.com – Abonnement annuel au prix d’1h30 de professeur particulier ; 3,99€ à 6,99€ par mois pour avoir accès à tous les outils de la plateforme.
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