Comme d’autres vont au bureau, ces créateurs de jeux de société passent des journées entières à laisser libre cours à leur imagination et espièglerie. Un métier de rêve ? C’est du moins ce que l’on imagine. Mais à quoi ressemble réellement le quotidien de ces grands passionnés ? Rencontre avec Bruno Cathala et Antonin Boccara, deux des plus grands créateurs de jeux français.
J’ai pris conscience qu’il y avait des gens qui inventaient des jeux de société
« J’ai toujours aimé jouer […] Ma mère dit souvent que ma première « phrase » a été « joue bien, Bruno ». J’ai aussi toujours été un enfant facétieux, taquin » raconte Bruno Cathala, créateur de Kingdomino et co-créateur de 7 Wonders Duel, tous deux vendus à ce jour à environ 500 000 exemplaires.
Pour créer de bons jeux de société, il faut en effet d’abord aimer jouer. Être curieux de découvrir de nouveaux univers, avoir probablement le sens du défi et l’envie de partager de bons moments en famille et entre amis. Mais encore faut-il oser passer du statut de consommateur à celui de créateur, et surtout savoir que c’est possible ! C’est seulement autour de sa vingtième année que Bruno Cathala a eu la révélation, en découvrant Fief, un jeu dont l’auteur avait remporté un concours de création. « j’ai pris conscience qu’il y avait des gens qui inventaient des jeux, et je me suis promis, un jour de créer le mien ». Après des années passées à « acheter les jeux, en décortiquer les règles, les partager avec ses potes », puis à modifier les règles des jeux qu’il achetait, Bruno s’est lancé.
Pour Antonin Boccara, autre grand créateur de jeux français, le déclic fut sensiblement le même. Après avoir grandi au Mexique dans « une famille qui n’avait pas la TV », l’homme a développé une passion pour les jeux de société, auxquels il jouait avec des amis parfois toute la nuit au début de l’âge adulte. En plus de créer une association « pour faire découvrir les jeux aux gens », celui qui était alors surveillant de lycée a eu l’envie d’en créer lui-même.
Entre une idée initiale et un jeu sur les étals, il se passe 2 à 3 ans !
Pour trouver l’inspiration, cet autodidacte a une botte secrète : s’intéresser aux jeux qui sortent et en commander tous les mois. Si ses idées se présentent parfois sous la forme de thématiques, elles peuvent aussi découler d’une mécanique : « par exemple, je peux vouloir un jeu où l’on collectionne des cartes pour faire des alignements comme au Morpion. Et ensuite je vais trouver à quel univers cela fait penser», explique celui qui se définit encore aujourd’hui comme un enfant. Pour Bruno Cathala, la meilleure des méthodes semble être le lâcher prise : « les idées viennent naturellement dans des moments où mon esprit est centré sur tout à fait autre chose que les jeux. Cela peut être faire du vélo, conduire, ou bien encore prendre une douche ».
Mais pour les voir se matérialiser, mieux vaut être patient. Les débuts se font souvent à tâtons, avec un « prototype laid réalisé en carton » et une règle qui s’ajuste avec le temps, comme nous le raconte Antonin Boccara. Pour affiner ses projets de jeux, ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à mettre à contribution son entourage : « ça ne marche jamais du premier coup donc il faut les tester avec des gens bienveillants ! ». S’en suivent ensuite les participations à des festivals pour faire connaître le jeu aux éditeurs, la phase de développement, puis la sortie tant attendue. « En moyenne, entre une idée initiale et un jeu qui se retrouve sur les étals, il se passe 2 à 3 ans ! », selon Bruno Cathala.
En moyenne, l’auteur touche environ 30 centimes par jeu vendu
Mais même au terme de ce long parcours, la réussite n’est pas toujours au rendez-vous : « il y a plein de jeux qui sortent et qui 6 mois après sont au placard. Et il y a des jeux très bons qui ne s’implantent pas », regrette Antonin Boccara, qui a eu lui la chance de signer un beau succès : le jeu de cartes coopératif Panic Island vendu entre 13 000 et 15 000 exemplaires. Rien pourtant qui ne lui permette de gagner beaucoup d’argent. « L’auteur de jeu ne touche que 3 % du prix du public car les éditeurs, boutiques et surtout les distributeurs prennent un pourcentage important », tient à souligner le créateur qui pense qu’il y a là « une réflexion à mener pour quelque chose de plus solidaire ».
« En moyenne l’auteur touche de l’ordre de 30 centimes par jeu vendu », affirme de son côté Bruno Cathala qui pense aussi qu‘il est compliqué d’en vivre : « la durée de vie des jeux à tendance à se réduire à quelques mois et 90 % des projets ne dépasseront pas 10 000 boites vendues ». Pour ces créateurs passionnés, mieux vaut donc prévoir un autre gagne-pain. En parallèle de son activité d’auteur, Antonin Boccara anime par exemple des ateliers dans une école et travaille en maison d’édition. Une situation qui convient très bien à celui qui aime varier les activités…
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