Les rapports entre frères et soeurs peuvent-ils influer sur la motivation scolaire de l’enfant ? Trois questions à Brigitte Prot, psychopédagogue, sur le poids de la fratrie dans la motivation à faire ses devoirs.
1. Quel est le lien entre la motivation scolaire et la fratrie ?
Chez les enfants et les adolescents, la motivation collective est un levier important de motivation individuelle. Que ce soit en classe, avec les autres, en petits groupes et en binômes, ou à la maison, entre frères et sœurs. Travailler ensemble, aux mêmes heures, dans le même endroit est devenu une condition de développement de l’envie d’apprendre. Enfants et adolescents disent que cela les sécurise pour « s’y mettre » plus facilement. Ce qu’ils redoutent le plus aujourd’hui, c’est la solitude. Aussi, les familles qui installent ce rituel des devoirs en famille facilitent le travail de leurs enfants. Lorsque cela se passe bien et que chacun trouve sa place.
En revanche, si frères et sœurs sont enfermés dans des rapports de force, la démotivation individuelle peut s’installer. La violence physique et psychologique se développe aujourd’hui dans les fratries.
2. Pourquoi ce phénomène de violence dans la fratrie que vous repérez ?
Les adultes se trouvent de moins en moins en situation de transmettre, donc de poser des valeurs et des règles de vie. La verticalité a disparu au profit de l’horizontalité : tout se passe comme s’ils découvraient le monde en même temps que leurs enfants. De plus en plus seuls, ceux-ci recréent entre eux une cellule familiale, qui n’est pas régulée par la présence et la parole de l’adulte.
Or, sans cadre posé par leurs parents, les enfants et les adolescents ne sont pas en mesure de poser les limites qui permettent le respect de chacun et de tous. Aussi, ce qui se passe dans la fratrie peut devenir anarchique, dicté par la loi du plus fort. Avec beaucoup de souffrance chez les plus jeunes et un silence effarant autour de cela. Beaucoup d’enfants n’osent rien dire à leurs parents : cela équivaudrait pour eux à « balancer » leur frère ou leur sœur et à « compliquer » la vie de leurs parents.
J’alerte sur ce phénomène croissant.
3. Quelle attitude de la part des parents, pour que la fratrie devienne un lieu et un ressort de motivation ?
Poser un cadre, des règles de vie familiale claires, afin que chacun trouve sa juste place, en fonction de son âge. Et responsabiliser les aînés dans leur rôle : leur apprendre à s’aimer et se respecter suffisamment pour respecter les plus jeunes. Et leur transmettre le meilleur pour eux, avec bien-traitance. Que chacun des enfants reconnaisse chez les autres les besoins correspondant à leur âge. Antoine, 4 ans, disait que son frère avait 6 ans, alors qu’il en avait 14. Ses parents lui avaient dit qu’ « on était grand à 6 ans… comme Rémi (l’aîné) » ! L’adolescent, non reconnu comme tel par les adultes, empêché de trouver sa place, rudoyait et harcelait son frère.
Du comportement fédérateur de leurs parents, dépend pour l’essentiel celui des enfants entre eux.
À fuir, deux attitudes qui « autorisent » la violence entre frères et sœurs :
. Celle de l’adulte qui a toujours raison. Qui n’éduque pas, mais prend le pouvoir, impose sa loi, au lieu de « dire la loi ». Elle insécurise beaucoup les enfants qui ont du mal à se situer et à exister, leur parole singulière n’étant pas reconnue.
. Et celle de l’adulte « cool ». Qui laisse faire, négocie tout, pour lequel rien n’est grave. Qui ne voit rien, n’entend rien et « oublie ».
Ces deux attitudes peuvent générer un déni du réel, car elles rendent difficile la reconnaissance des enfants dans leurs réalités.
Du comportement fédérateur de leurs parents, dépend pour l’essentiel celui des enfants entre eux.
Brigitte Prot
Psychopédagogue, enseignante et formatrice, elle a conçu la méthode du Bilan-Itinéraire de motivation et d’orientation®, fondée sur une approche personnalisée et systémique de chaque situation scolaire.
Elle Intervient régulièrement à l’Institut Supérieur de Pédagogie de Paris, où elle participe à une recherche-action sur le thème du lien «parents-professionnels de l’école ».Engagée auprès de tous les acteurs concernés par la motivation et l’orientation scolaires, elle propose aux professionnels de l’enseignement et de l’éducation, aux élèves, aux étudiants et à leurs parents des réponses à la question : « Comment aider enfants et adolescents à se motiver, aujourd’hui ? »
Brigitte PROT est l’auteur de « Profession motivatrice » (Éd. Noêsis, 97), de « Jsuis pas motivé, je fais pas exprès ! » (Éd. Albin Michel, 03), et co-auteur de « École : changer de cap » (Éd. Chronique sociale, 07).
Elle a également publié des guides d’accompagnement pour les parents, dans la collection « Tout savoir» des éditions Hatier, qui concernent toutes les classes du Primaire et du Collège.Lieu de consultation : Paris-Montparnasse
Contact : 01 43 26 90 04 - brigitte.prot@wanadoo.fr
Plus d’informations surwww.brigitte-prot.fr
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